Alors que Michelangelo Antonioni ou Federico Fellini réfléchissent SUR la réalité, Dino Risi se contente de réfléchir cette réalité, de la saisir en vrac et de la projeter à grandes pelletées saupoudrées de gags.

Cher papa véhicule en effet toutes les images de la famille italienne d’aujourd’hui, vues à travers l’objectif caricatural des mass media : les conflits de générations, les multinationales, le couple, la politique et la violence forment ainsi un patchwork qui ressemble aux Actualités télévisées de chaque jour.

C’est sans doute là que réside la force du film, mais ce parti pris marque aussi évidemment ses limites. Dino Risi conjugue à l’intérieur même d’une seule scène - celle, par exemple, du braquage de la banque -, le brio et la facilité, l’intelligence et la superficialité. Son portrait de l’homme d’affaires italien est juste mais ne vaut pas ceux que Ettore Scola brosse dans Nous nous sommes tant aimés (1974) ou La Plus Belle Soirée de ma vie (1972).

Les grosses ficelles qui servent vaguement à structurer l’intrigue sont d’ailleurs indignes de la célébrité des scénaristes transalpins. Membre d’un groupe secret pratiquant l’assassinat, le fils écrit tout sur un gros cahier rouge laissé bien en vue et désigne la prochaine victime par la lettre P. - seul le papa ne saura pas de qui il peut bien s’agir).

Quant à la mise en scène, elle est constamment redondante, dans la mesure où la parole double toujours l’image. Ainsi est-il est amusant de voir les informations de la télévision helvétique annoncer successivement que l’on a retrouvé en Suisse une pauvre vache perdue et que des affrontements se poursuivent en Italie. Dès lors, pourquoi faut-il que la mère ajoute : "Ah ! Je suis bien content pour le berger !", et "Cette Italie est vraiment un pays impossible" ?

En outre, la fin ne manque pas d’ambiguïté, la jeune génération gauchiste (le fils) guidant le capitalisme défaillant (le père cloué sur une chaise roulante) dans un décor baroque et décadent qui reste longuement vide lorsque défile le générique…

René Prédal
Jeune Cinéma n°121, septembre-octobre 1979

Cher Papa (Caro papà). Réal : Dino Risi ; sc : D.R., Bernardino Zapponi & Marco Risi ; ph : Tonino Delli Colli ; mont : Alberto Gallitti ; mu : Manuel De Sica. Int : Vittorio Gassman, Stefano Madia, Andrée Lachapelle, Aurore Clément, Julien Guiomar (Italie, 1979, 110 mn).