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Mead, Taylor (1924-2013)
Une vie, une œuvre
publié le mardi 15 avril 2014

par Lucien Logette
Jeune Cinéma n°358, mars 2014

Taylor Mead (1924-2013)


 


D’habitude, c’est L’Annuel des Fiches du cinéma, au mois d’avril, qui nous permet de faire le point sur les disparus de l’année passée.
Mais la lecture du dernier numéro de l’excellente revue Sight & Sound - fondée par le BFI en 1932, elle est certainement la doyenne des revues de cinéma -, nous a déjà fait connaître le bilan négatif de 2013. Un bilan qui nous semble même plus complet que ceux que fournit habituellement l’Annuel, dans la mesure où la majorité des décès retenus par S & S concerne des Anglo-Saxons, secteur moins reconnu par les spécialistes français des nécrologies.

Ce qui retient l’attention, ce ne sont pas les stars - au hasard, Peter O’Toole, Joan Fontaine, Esther Williams ou Bernadette Lafont - à propos desquelles tout a été dit, mais les acteurs oubliés, les sans-grades, ceux qui ont occupé le terrain sans forcément briller et dont le nom même était hors de nos mémoires.


 

Ainsi, Martha Eggerth (1) dont seuls les amateurs de comédies musicales allemandes des années 30 doivent se souvenir.
Ainsi, Rossana Podestà, qui nous avait tant émus dans La Red de Emilio Fernandez (1953) et dans L’Île du bout du monde de Edmond T. Gréville (1958). (2)
Et Giuliano Gemma, si joyeux dans Les Titans (1962) et Un pistolet pour Ringo (1965) de Ducio Tessari. (3)
Et Audrey Totter, une des méchantes les plus méchantes du film noir des années 40. Et tant d’autres… (4)


 

Mais ce qui nous a le plus chagrinés, c’est l’annonce de la disparition de Taylor Mead. Un micro-trottoir à son propos récolterait assurément un nano-score, de l’ordre d’une personne sur 10 000 capable de l’identifier.
Ce qui est normal : à l’exception d’une apparition dans un sketch de Coffee and Cigarettes de Jim Jarmush (2003), il n’a joué que dans les films de ses amis de la Factory, les frères Mekas, Gregory Markopoulos, Ron Rice et Andy Warhol.


 

Pour les spectateurs des films de l’école de New York, que Henri Langlois accueillit en 1964 à la Cinémathèque, il resta inoubliable : les deux films de Ron Rice dont il fut l’interprète principal, The Flower Thief (1960) et The Queen of Sheba Meets the Atom-Man (1963) sont des perles du quatrième rayon.


 

Warhol l’utilisa pour tous ses films entre 1963 et 1968 (dont Taylor Mead’s Ass), silhouette fragile et bégayante pourvue d’une vis comica étonnante, à la Stan Laurel. Il était dans la vraie vie comme à l’écran, totalement décalé et imprévisible.
Venu en 1967 présenter, au ciné-club Zéro de conduite, un film en super-8, tourné au fil de ses voyages, il avait tenu à remonter la cinquantaine de bobines dans la cabine de projection, sans se soucier de la furie du public.


 


 

Les films où il parut ne sont guère accessibles.
Seule exception, outre le Jarmush : les deux minutes finales de Hallelujah the Hills, de Adolfas Mekas, où, bagnard évadé en compagnie de Jerome Hill, autre personnage remarquable, il court dans la neige en traînant son boulet.
C’est court mais suffisant pour mériter un coup de chapeau.

Lucien Logette
Jeune Cinéma n°358, mars 2014

1. Martha Eggerth, née en 1912, est morte le 26 décembre 2013.

2. Rossana Podestà, née en 1934, est morte le 10 décembre 2013.

3. Giuliano Gemma, né en 1938, est mort le 1er octobre 2013.

4. Audrey Totter, née en 1917, est morte le 12 décembre 2013.



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