Jeune Cinéma n°424-425, septembre 2023
Édito & sommaire
publié le lundi 2 octobre 2023

JEUNE CINÉMA n°424-425, septembre 2023


 

Couverture : Abdelhadi Taleb et Fehd Benchemsi, Déserts (Faouzi Bensaïdi, 2023).

Quatrième de couverture : Affiche du Comité Justice pour Pierre Goldman (début 1975, après le premier procès), (coll. Jeune Cinéma).

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ÉDITO Jeune Cinéma n°424-425, septembre 2023

 

Il y avait trop longtemps (février 2022 et la disparition de Robert Grélier) qu’un numéro n’avait pas été lancé sous le signe de l’affliction.
Cette fois, c’est Bernard Chardère (1930-2023) dont nous avons à déplorer l’occultation apparente, comme disaient les Pataphysiciens qu’il a fréquentés, des frères Prévert à Jean Ferry. Il est mort dans la nuit du 24 au 25 août 2023, à quelques semaines de son quatre-vingt-treizième anniversaire, la tête toujours emplie de projets qu’il nous confiait encore la veille. Depuis quelques années, il ne pouvait plus quitter son troisième étage sans ascenseur (un étage lyonnais, ce n’est pas rien), mais il avait remplacé le cinéma par la lecture et demeurait à l’écoute du monde, sans rien perdre de son alacrité ni de son goût de la découverte. S’il considérait, comme beaucoup d’entre nous, le passé plus intéressant que le présent, il ne cultivait aucune nostalgie, à l’image de ses fidèles amis partis avant lui, Max Schoendorff (), Raymond Chirat () ou Freddy Buache () – et Alice, sa moitié d’orange. Il avait intitulé un de ses ouvrages, encore inédit, Le Grincheux d’Ainay (son quartier). Grognon, maussade, lui ? Nous pouvons affirmer que c’était de la pose.

Il ne fut pas seulement un collaborateur éminent de Jeune Cinéma, il fut une des fées qui se pencha sur le berceau de la revue. C’est lui qui en suggéra le titre à Jean Delmas, titre qui sonnait magnifiquement en cette belle période d’éveil planétaire du nouveau cinéma. Son article "Permanence de Jean Vigo", figurait au sommaire du n° 1, septembre-octobre 1964. Il en publia quatre-vingt-six autres depuis.

Pour célébrer le jeune nonagénaire, nous avions édité, à l’automne 2020, le recueil de ses textes parus jusqu’alors. Le moindre des hommages que nous puissions lui rendre, c’est d’en publier une version augmentée, définitive hélas, qui sera disponible dès le mois d’octobre 2023. Ses obsèques, et la réunion qui les suivit à l’Institut Lumière, sa seconde maison, furent à la fois émouvantes et chaleureuses - comme chantait Georges Brassens, "c’est l’amitié qui prenait le quart" - et nous reproduisons quelques-unes des allocutions qui furent prononcées, en ce 1er septembre 2023 tristement ensoleillé, au cimetière lyonnais de la Guillotière.

Passons à des choses moins sérieuses, l’état du cinéma français, par exemple. Riche, foisonnant, varié, le meilleur à l’échelle internationale. Et parmi les premiers et seconds films, il y a pléthore de titres intéressants – nous en relevons une dizaine quelques pages plus loin. Certes.
Mais cette réussite créatrice repose-t-elle sur des bases solides ? Une récente lettre de la Cour des Comptes, après un audit du CNC, relève quelques détails surprenants à propos de l’institution que le monde nous envie : un établissement qui jongle avec autant de phynance (un milliard d’euros de provisions en 2022) ne dispose d’aucun commissaire aux comptes, comme la moindre association, et est incapable de fournir un bilan précis "des aides reçues par les bénéficiaires" (on cite la lettre). Bénéficiaires qui se multiplient : les 88 de 2011 sont devenus 120 en 2021.
Quant à la production agréée par le CNC (les films d’initiative française), elle est passée, parallèlement, de 209 titres à 261. Augmentation qu’on applaudirait si elle n’avait comme corollaire une flambée des insuccès, pour rester dans la litote : 89 films à moins de 20 000 entrées contre 58 dix ans plus tôt - si l’audit avait baissé sa jauge à moins de 5000 spectateurs, le décrochage aurait été encore plus net. Jusqu’où ira cette frénésie dans la fabrication de plus en plus de produits de moins en moins rentables ? Rendez-vous dans quelques années, si la Terre flotte encore.

Dans notre présentation du film avant Cannes ( Jeune Cinéma n°422, mai 2023), nous considérions que Le Procès Goldman, de Cédric Kahn, était une des plus justes reconstitutions d’un tribunal et de sa dramaturgie que nous connaissions. Le public va enfin pouvoir apprécier ce bel exercice de représentation. Le projet a été mené de façon suffisamment intelligente pour que le spectateur qui ne sait rien de l’affaire puisse comprendre son importance historique. Notre seul problème (personnel), c’est que, malgré l’excellence de sa prestation, Arieh Worthalter ne peut incarner à nos yeux le jeune théoricien amateur de castagne que nous avons côtoyé lors de ces lointaines années d’illusions partagées (ainsi, ceux qui avaient approché Napoléon ne le reconnaissaient pas sous les traits de Sacha Guitry). Un peu las de voir son même portrait partout, nous avons tiré de notre malle à trésors le document de la 4e de couverture, afin de montrer que son comité de soutien rassemblait alors du bien beau monde.

Ce numéro paraît à quelques jours de l’ouverture du Festival Lumière qui risque de nouveau de surprendre même les blasés. Ainsi, on attend beaucoup, derrière les locomotives Wim Wenders, Robert Altman, Anderson ou Denis de La Patellière, de la découverte de Ana Mariscal, réalisatrice espagnole quasi inconnue - son seul film distribué ici, Le Chemin (1964) a fait 332 entrées en octobre 2021 -, et de quelques succulentes raretés comme Lumière en offre chaque année.

Le manque d’espace dans ce numéro chargé à bloc ne nous a pas permis de rendre compte de tous les livres prévus. Notons, avant de les traiter, deux titres que nos fidèles lecteurs peuvent se procurer en toute confiance. D’abord, pour les plus anciens, une surprise, Le Bougiote, journal d’Algérie (1958-1959) (chez Infolio), qui ne touche pas directement au cinéma, mais dont l’auteur, Marcel Martin, fut un des critiques les plus justement renommés de la dernière moitié du siècle. Enfin, garanti sans copinage, "Boudu sauvé des eaux" de Jean Renoir (Gremese) par Patrick Saffar, dont on connaît l’habileté à creuser au profond des images pour en extraire toutes les significations, et qui signe là un ouvrage agréablement savant qui réjouira tous les renoiriens - et les autres.

Lucien Logette



 

SOMMAIRE Jeune Cinéma n°424-425, septembre 2023

 

 
Hommage à Bernard Chardère
 

* Lettre à Bernard, par Lucien Logette.

* Pour Bernard, par Camille Chirat

* Travailler avec Bernard, par Sonia Bove.

* Le voyage à Lyon, par Jacques Gerber.

 
Entretien
 

* L’Arbre aux papillons d’or, par Gisèle Breteau Skira.
* Rencontre avec Tien Ân Pham, par Gisèle Breteau Skira.

 
Cinéma français
 

* Notes sur quelques films inédits, par Lucien Logette.

 
Du monde entier
 

* Sur deux films d’Adilkhan Yerzhanov, par Nicole Gabriel.

 
Festivals
 

* La Rochelle 2023, par Alain Souché.

* Angoulême 2023, par Alain Souché.

 
Patrimoine
 

* Hiroshi Inagaki : trois jidai geki, par Andrea Grunert.

* Michael Roemer. An American Trilogy, par Nicole Gabriel.

* L’œuvre au noir de Jean Grémillon. Un triptyque (3) par Philippe Roger.

* Les enjeux de Madame DuBarry (Ernst Lubitsch, 1919), par Nicole Gabriel.

* Purgatorio, épisode 5 : Nacre obscure, par Jean-Paul Combe & Vincent Heristchi.

 
Cinéma et Politique
 

* Le cinéma prolétarien allemand III : 1968-1977 : le retour ? par Daniel Sauvaget.

 
Cinéma et Histoire
 

* L’Assassinat de Trotsky (Joseph Losey, 1972), par Jean-Michel Ropars.

 
Cinéma et Musique
 

* 42nd Street (Lloyd Bacon, 1933), par Nicolas Villodre.

 
DVD
 

* Glanures : de Leo McCarey à Claire Denis, par Philippe Roger.

* Chronique de l’été 2023, par Jérôme Fabre.

* Justin de Marseille (Maurice Tourneur, 1934), par Anita Lindskog.

* First Reformed (Paul Schrader, 2017), par Enrique Seknadje.

 
Chercheurs et Curieux
 

* Du théâtre au cinéma II, par Claude Gauteur.

 
Actualités
 

* Fermer les yeux, par Francis Guermann.

* Un métier sérieux, par Sylvie L. Strobel.

* Kasaba, par Gisèle Breteau Skira.

* Le Grand Chariot, par Jean-Max Méjean.

* Déserts, par Anne Vignaux-Laurent.

* Acide, par Gisèle Breteau Skira.

* Le Livre des solutions, par Jean-Max Méjean.

* Le Procès Goldman, Sylvie L. Strobel.

* Coming Apart, par Nicole Gabriel.

* Jeune Cinéma, par Francis Guermann.

* Pollock & Pollock, par Gisèle Breteau Skira.

* N’attendez pas trop de la fin du monde, par Hugo Dervisoglou.

* Le Champ des possibles, par Francis Guermann.

* Je vous salue salope, par Sylvie L. Strobel.

 
Livres
 

* Mario Molinari & Favio Zanello, Il Cinema di Robert Mulligan, par Bernard Nave.

* Thibaut Bruttin, "La Soupe aux choux" de Jean Girault, par Lucien Logette.

 
Divagations
 

* Ambiguïté de l’ambiguïté, par Patrick Saffar.

 
Nécrologie
 

* Aldo Bernardini (1935-2023), par Jean A. Gili.



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