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Bataille de Solférino (la) (2013)
de Justine Triet
publié le mercredi 4 octobre 2023

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°354, automne 2013

Sélection ACID au Festival de Cannes 2013

Sorties les mercredis 18 septembre 2013 et 4 octobre 2023


 


Un couple séparé s’affronte et se déchire sur la question du droit de visite. Cela aurait pu donner un énième film intimiste sur la question des familles dé- et recomposées. Sauf que La Bataille de Solférino a, comme toile de fond, la journée du 6 mai 2012 et l’élection présidentielle de François Hollande. C’est une date historique où le pouvoir se dispute à la tête de l’État et dans une micro-cellule de la société. Le sujet est traité sur le mode de la docu-fiction : des séquences des événements réels (pas moins de vingt minutes) tournées rue de Solférino où l’on s’apprête à fêter la victoire (on n’aperçoit qu’un homme politique : Jack Lang), devant le siège de l’UMP où on chante La Marseillaise, et place de la Bastille.


 


 


 

En montage alterné, les scènes de la vie privée, dans un appartement où des enfants hurlent et où nous sont présentées les dramatis personae. Laetitia, une reporter à la bourre, chargée de couvrir l’événement, et ceux (car il s’agit exclusivement de la gent masculine) à qui elle délègue ses tâches familiales, le nouveau petit ami, un baby sitter un peu ahuri, un voisin complaisant, car l’ex rôde et est potentiellement dangereux (on comprendra par la suite qu’il est frais émoulu de l’hôpital psychiatrique).


 


 


 

L’épisode central, à la fois mis en scène et improvisé in situ, gomme la frontière entre réalité et fiction, puisque la mère de famille commente effectivement les résultats du scrutin devant la caméra et qu’elle est prise pour une journaliste authentique par militants et supporters.


 


 

Pour ce qui est du style, le récit reste traditionnel, sauf qu’il introduit la fiction dans le document, mais également l’inverse puisqu’on voit les comédiens squatter le siège du PS. On dirait une nouvelle tendance du cinéma français où les personnages sont en immersion dans le monde réel - cf. Gare du Nord de Claire Simon (2013). Autre jeu entre le réel et l’illusion : tous les protagonistes du film gardent leur vrai nom, comme si les acteurs jouaient leur histoire.


 


 

On s’intéresse beaucoup plus au mini-drame qui se joue à la fois dans le chaos et la cohue qu’à l’événement politique dont on retient l’aspect de rituel médiatique. Parce qu’il présente un miroir d’une génération où les adultes demeurent des enfants, désemparés devant des situations et des rôles qu’ils ne maîtrisent pas. Les hommes sont insécurisés. La protagoniste, Laetitia Dosch, qui domine la distribution, a une belle autorité naturelle ; elle agit alors que ceux-ci bavardent. C’est elle par qui passe l’information et qui garde, cahin-caha, le pouvoir au bout de cette folle journée.


 


 


 

Justine Triet, l’auteure du film, fera reparler d’elle. Elle n’a pas peur des mélanges détonnants, a de l’énergie à revendre et un grand sens du rythme. Elle sait diriger ses comédiens dont certains sont des metteurs en scène de sa génération. Une mention spéciale à Vincent Macaigne, en père au bord de la crise de nerfs (et candidat potentiel à une place tout en haut d’une grue), qui réussit à être à la fois odieux et émouvant.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°354, automne 2013


La Bataille de Solférino. Réal, sc : Justine Triet ; ph : Tom Harari ; mont : Damien Maestraggi ; cost : Mariette Niquetenviron. Int : Laetitia Dosch, Vincent Macaigne, Arthur Harari, Virgil Vernier, Émilie Brisavoine (France, 2013, 94 mn).



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