par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe
Sélection officielle du Festival de Tribeca 2022
Prix d’interprétation pour Dorota Pomykala
Sortie le mercredi 18 octobre 2023
Inspiré d’un fait divers survenu en 2011, ce film raconte l’histoire de Mirka - interprétée la par célèbre actrice polonaise Dorota Pomykala -, une sage-femme d’une soixantaine d’années. C’est le sixième long-métrage de Anna Jadowska, diplômée de l’École de cinéma de Łódź et de la Wajda Masterschool of Directing. Elle dit avoir voulu faire un film sur la situation des femmes en Pologne qui demeure très difficile (comme dans de nombreux pays d’ailleurs). Pourtant, il ne faut pas s’attendre à un brûlot féministe. En effet, Une femme sur le toit questionne le sort de celles encore "condamnées", par le poids des mœurs et des coutumes, à tenir, seules, la place de gardiennes du foyer. Pour Mirka, cette situation est évidente, et elle n’a même pas l’idée de la remettre en question.
C’est dommage de dévoiler l’intrigue et l’événement qui fait basculer le récit. Parce que ce que raconte ce film, empli d’une douce mélancolie et laissant le talent de Dorota Pomykala se déployer délicatement, c’est une histoire ordinaire (filmée d’une façon extraordinaire, à moins qu’il ne s’agisse du contraire).
Le film avance par petites touches impressionnistes, ce qui lui apporte une sensibilité particulière sans nul besoin de déployer de longs discours et des constats sociaux. Et c’est dans ce rythme que chacun trouvera un véritable intérêt à la simple peinture de cette vie modeste, et un vrai sens à l’histoire de Mirka. Grâce à la directrice de la photographie, Ita Zbroniec-Zajt, La lumière et les couleurs pastels s’imposent comme pour atténuer la violence du récit d’une fade vie de ménagère et de travailleuse (elle est sage femme) au cœur de la Pologne, à la manière de la célèbre chanson de Jean Ferrat, "On ne voit pas le temps passer".
Les vrais événements, ce sont peut-être les seuls rebondissements narratifs formels, notamment des plans d’une rare beauté sur un lieu qui, en soi, n’a rien de poétique : le toit d’un immeuble banal, à la fois lieu de refuge, de refus et de désespoir d’une femme, dont le personnage résonne avec celui de Sophia Loren dans le magnifique film de Ettore Scola, Une journée particulière (1).
Les acteurs aussi contribuent à apporter au film un sens et une finalité par un jeu subtil et puissant à la fois. On retiendra ainsi l’interprétation intense des deux acteurs masculins, le père un peu blasé par l’attitude de sa femme, Bogdan Koca, et le tendre fils qui choisira finalement de partir, Adam Bobik. Et, bien évidemment, la grande actrice, Dorota Pomykała. Par sa présence très forte, son talent et l’ardeur qu’elle met dans ce rôle, elle porte tout le film. Et cela d’autant plus imperceptiblement qu’elle est souvent filmée de profil, ce qui établit une sorte de distance, presque à la manière d’un documentaire.
"En réalisant ce film, j’ai voulu montrer une figure féminine complexe qui, malgré un rôle social crucial et des besoins affectifs personnels réprimés au fil des ans, finit par trouver le courage de prendre la parole", explique Anna Jadowska.
Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe
1. Une journée particulière (Una giornata particolare) de Ettore Scola (1977).
Une femme sur le toit (Kobieta na dachu). Réal, sc : Anna Jadowska ; ph : Ita Zbroniec-Zajt ; mont : Julia Gregory & Piotr Kmiecik ; mu : Katharina Nuttall. Int : Dorota Pomykala, Bogdan Koca, Adam Bobik, Jacek Knap, Michal Gadomski, Dobromir Dymecki, Agnieszka Suchora (Pologne, 2022, 97 mn).