par Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma en ligne directe
Sélection Séance spéciale de la Semaine de la Critique au Festival de Cannes 2023
Sortie le mercredi 25 octobre 2023
Victimes du "syndrome des amours passées", Rémi et Sandra doivent coucher avec leurs anciens partenaires sexuels pour pouvoir faire un enfant. C’est sur la base de cette idée fantaisiste que Raphaël Balboni & Ann Sirot structurent leur récit. Ce dernier consiste donc à suivre le couple dans sa tentative de reconquête d’amours passés pour accéder à la parenté.
Bien rythmée autour de cette quête, l’œuvre génère suspense, rebondissements et tension grâce aux situations saugrenues dans lesquelles les personnages sont projetés, ainsi que par le fort déséquilibre du nombre d’anciens amants présent entre Rémi et Sandra, cette dernière en ayant eu beaucoup plus que les trois conquêtes de son mari. Ce dernier point tend à légèrement déséquilibrer le film dans la mesure où les péripéties auxquelles se livre Rémi sont plus originales et conflictuelles que celle de Sandra.
L’ensemble de l’histoire porte ainsi un propos réflexif sur la vie de couple, le rapport homme / femme, l’amour et la sexualité. Le véritable point fort de l’œuvre réside en ses deux acteurs principaux, Lazare Gousseau et Lucie Debay, tous deux touchants de naturel et de spontanéité. L’un et l’autre ayant un physique parfois ingrat et peu aux normes des canons de beauté, cela facilite l’identification du spectateur. Outre leur talent, leur naturel est en partie accentué par les partis pris esthétiques des auteurs qui consistent en une caméra portée grand-angle agile et en l’usage régulier du jump-cut pour tailler dans des séquences pourvues de dialogues qui donnent la sensation d’avoir été en partie improvisés par des acteurs plus guidés que dirigés. Des partis pris qui donnent ainsi une énergie pétillante et guillerette au film ainsi qu’un ton général lumineux.
Qui plus est, le recours à des effets plastiques concrets pour représenter les scènes de sexe, qui en deviennent abstraites et décalées, comme l’emploi de quelques décors à la limite de l’onirisme et chargés d’une dimension symbolique, contribuent à complexifier le film et à lui donner un aspect de conte moderne. Un conte dont le fond interroge ainsi certains des traits et des comportements tordus de notre société, à commencer par l’étrangeté qui gagne les relations humaines du fait des nouvelles technologies, à commencer par les relations "amoureuses" qui sont issues de sites de rencontre.
Trois soucis sont toutefois à porter à la charge du film, atténuant donc quelque peu le sentiment de bonne humeur que l’on ressent à son visionnage. Certains des acteurs secondaires ont un jeu limité, l’ouverture de l’œuvre est trop rapide, ce qui empêche une empathie complète avec des personnages principaux pourtant attachants, et la résolution finale manque de cohérence et d’originalité.
Malgré cela Le Syndrome des amours passées demeure une comédie de qualité, bien plus qu’une simple bluette, dont la légèreté de ton n’empêche pas la complexité. Certains de ses aspects évoquent le cinéma des frères Larrieux, l’anarchie en moins et la candeur en plus.
Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma en ligne directe
Le Syndrome des amours passées. Réal, sc : Ann Sirot & Raphaël Balboni ; ph : Jorge Piquer Rodriguez ; mont : Sophie Vercruysse ; mu : Julie Roué ; déc : Julien Dubourg. Int : Lucie Debay, Nora Hamzawi, Florence Loiret Caille, Hervé Piron, Alice Dutoit, Vincent Lecuyer, Ana Rodriguez (France, 2023, 89 mn).