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Vourdalak (le) (2023)
de Adrien Beau
publié le mercredi 25 octobre 2023

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle de la Semaine de la critique à la Mostra de Venise 2023
Mention spéciale du Jury à Ariane Labed

Sortie le mercredi 25 octobre 2023


 


La figure du vampire a la dent et la vie dure. À cette dernière Mostra de 2023, pas moins de quatre films lui étaient encore consacrés : En attendant la nuit de Céline Roussel, Vampire humaniste cherche suicidaire consentant de la Canadienne Ariane-Louis-Seize, El Duque une farce politique sur Pinochet de Pablo Larrain, et donc Le Vourdalak de Adrien Beau, adaptation d’un récit de Alexis Konstantinovitch Tolstoï (1817-1875), un lointain parent de l’auteur de Guerre et Paix. Cette nouvelle, écrite en français, fut traduite en russe et publiée en 1884 à titre posthume. L’œuvre avait déjà attiré l’attention du maestro de l’épouvante Mario Bava, qui en donna une version mi-ironique, mi-horrifique en 1963 dans le sketch central des Trois visages de la peur, avec le prodigieux Boris Karloff.


 


 

Le scénario du Vourdalak est assez fidèle au texte original qui, comme son nom l’indique, traite d’une créature se nourrissant de sang humain, thème qui a pu inspirer Bram Stoker. Certes, ici, le protagoniste ou narrateur, le marquis d’Urfé, n’a pas pris part au Congrès de Vienne : c’est un homme d’Ancien Régime envoyé en mission à travers une Serbie livrée à l’époque aux exactions de l’Empire turc. Il est victime d’une agression et, dépouillé, en quête d’un cheval, trouve refuge dans la famille du vieux Gorcha, parti, avec son arquebuse, tuer le Turc Alibek. Gorcha avait prévenu les siens : "Si je ne reviens pas d’ici six jours, écartez-vous de moi car je serai devenu un vourdalak, un être qui suce de préférence le sang de ses proches. Ceux-ci deviendront des vourdalaks à leur tour". Or on est au soir du sixième jour...


 


 

Paraît incongrue la présence du marquis, en uniforme bleu roi et bas blancs, le visage poudré et moucheté face aux paysans, hospitaliers mais somme toute abrupts, et, qui plus est, préoccupés. Le fils aîné s’apprête à exercer l’autorité patriarcale vis-à-vis de son frère cadet et de sa sœur, la belle Zdenka qui, par ses étranges agissements, fascine le marquis.


 


 

La prophétie de Gorcha se réalise. Son ombre hante d’ailleurs le récit : ses apparitions et disparitions dans ce qui fut son foyer sont sources d’horreur. À commencer par une tête sanguinolente qui atterrit sur la table autour de laquelle la descendance s’apprête à dîner.


 


 

Bientôt, le vourdalak s’en prend à son petit-fils. Loin d’être aristocratique et raffiné à l’instar d’un Nosferatu, Gorcha est repoussant et despotique. Il maudit sa famille et agit lui-même comme un damné. Il exerce une ironie particulière à l’endroit du marquis, se moquant de son maintien de courtisan un tantinet efféminé. Le flirt qui s’est esquissé entre celui-ci et sa fille ne lui a pas échappé.


 


 

Le Vourdalak renoue, comme on voit, avec une vision du vampirisme inspirée des légendes populaires d’Europe de l’Est. Il propose également une lecture psychanalytique du mythe, où ce sont les pères qui tuent les fils et non l’inverse, où les drames frayent avec le quotidien pour tourmenter les humains.


 

Nous avons été particulièrement sensible au traitement plastique du film, tourné en décors naturels au prieuré du Sauvage, à Druelle-Balsac, en Aveyron. La lumière automnale est mélancolique à souhait. Une des trouvailles de Adrien Beau est d’avoir confié le rôle principal, non à un comédien, mais à une marionnette grandeur nature fabriquée par lui, qui fait songer aux pantins d’une Gisèle Vienne. Le réalisateur tire, littéralement, les fils et prête sa voix au vourdalak.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe


Le Vourdalak. Réal : Adrien Beau ; sc : A.B. & Hadrien Bouvier, d’après Alexis Tolstoï ; ph : David Chizallet ; mont : Alan Jobart ; mu : Martin Le Nouvel & Maïa Xifaras ; déc : Thibault Pinto ; cost : Anne Blanchard. Int : Ariane Labed, Kacey Mottet Klein, Grégoire Colin, Vassili Schneider, Claire Duburcq, Adrien Beau, Erwan Richard (France, 2023, 91 mn).



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