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À l’intérieur (2023)
de Vasilis Katsoupis
publié le mercredi 1er novembre 2023

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection Panorama de la Berlinale 2023

Sortie le mercredi 1er novembre 2023


 


Film d’une grande beauté plastique - ce qui semble la moindre des choses vu qu’il traite prioritairement de la place de l’art et de la beauté -, À l’intérieur repose aussi sur la prestation extraordinaire de Willem Dafoe. Venu dans le luxueux penthouse d’un collectionneur d’art new-yorkais pour y dérober une toile de Egon Schiele, Nemo va y rester prisonnier pendant de longues semaines en raison d’une panne informatique qui l’empêche de sortir de l’appartement. Coupé de tout moyen de communication et, peu à peu, de nourriture et d’eau, Nemo va être obligé de s’adapter pour survivre.


 


 

Le film a été tourné en continu, ce qui signifie que l’acteur a dû vivre lui-même cet enfermement. Willem Dafoe relate d’ailleurs cette expérience par ces mots, ce qui confère au film une dimension à la fois allégorique et proprement réaliste : "Je me suis laissé pousser les cheveux. Je me suis laissé pousser les ongles. J’étais sale. Je ne me lavais pas les cheveux. J’ai perdu un peu de poids, parce que j’avais conscience de l’évolution de mon personnage. Sa transformation devait être tangible. Chaque jour, je m’endurcissais, je m’enfonçais dans le personnage, dans son corps, dans son apparence, dans son odeur".


 


 

Le spectateur entre avec Nemo dans l’appartement spacieux, lumineux, moderne et empli d’œuvres d’art. Et il va assister, médusé, à sa destruction, puisque son occupant, pour survivre, va se trouver dans l’obligation de détruire des objets, et notamment des œuvres, pour tenter de trouver une issue, ou pour adapter le réel à ses besoins. À la fin du film, l’appartement est dévasté dans un silence inquiétant qui est celui du personnage pris au piège et privé de tout dialogue et de tout contact avec ses semblables.


 


 

C’est ainsi que le film nous place, avec Nemo, dans une situation inquiétante, celle de notre place dans le monde ultra moderne, alors que nous devons tous subir de plus en plus de pressions numériques et médiatiques. Film sans parole, À l’intérieur pose nécessairement plusieurs questions sur cette place, celle de l’âme et celle du corps, et sur leur capacité d’adaptation. "C’est un regard ironique sur la possibilité que nos cages dorées deviennent des cellules de prison, une vision brutale du côté sombre du luxe", déclare Vasilis Katsoupis. "C’est surtout, un point de vue cinématographique sur l’art contemporain, le mode de vie qui lui est associé et sa réelle valeur", précise-t-il.


 


 

Outre ces qualités, le film pose une autre question plus originale : celle de la place et du devenir de l’art dans nos vies. Sans commissaire d’exposition, le film se donne (y compris jusqu’à la fin) comme une galerie dans laquelle les œuvres d’art exposées seraient en danger. Certaines vont en effet servir à Nemo pour s’adapter à son enfermement ou tenter une évasion, la porte d’entrée est même détruite en partie par un Nemo désespéré. Vasilis Katsoupis, assisté du curateur d’art italien, Leonardo Bigazzi, a voulu que les œuvres d’art soient réelles et de nombreux artistes ont accepté spontanément de les prêter tout en sachant pertinemment qu’elles pourraient avoir d’autres finalités dans la trame narrative du film. Qu’elles soient de Maxwell Alexandre, Adrian Pica, Rayyane Tabet ou Maurizio Cattelan, toutes les œuvres ont ici leur importance comme témoins de notre monde civilisé.
À travers ce film profond, le réalisateur fait le point sur les rapports de l’art avec le monde moderne et pose des questions radicales : "Si nos besoins premiers n’étaient pas assouvis, l’art aurait-il autant d’importance ? Que signifie l’art, sorti de son contexte ?"

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe


À l’intérieur (Inside). Réal : Vasilis Katsoupis ; sc : Ben Hopkins d’après une histoire de Vasilis Katsoupis ; ph : Steve Annis ; mont : Lambis Haralambidis ; mu : Frederik van de Moortel ; déc : Thorsten Sabel ; cost : Catherine Van Bree. Int : Willem Dafoe, Gene Bervoets, Eliza Stuyck (Grèce-Allemagne-Belgique, 2023, 105 mn).



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