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Passion de Dodin Bouffant (la) (2022)
de Tran Anh Hung
publié le mercredi 8 novembre 2023

par Lucien Logette
Jeune Cinéma n°423, été 2023

Sélection officielle en compétition du Festival de Cannes 2023
Prix de la mise en scène

Sortie le mercredi 8 novembre 2023


 


Tran Anh Hung est un cinéaste qui n’encombre pas le marché - sept films en trente ans. Il retrouve, avec ce film, ce qui, en 1993, avait fait la beauté de L’Odeur de la papaye verte, cette dimension physiologique, couleur, goût, parfum, si malaisée à restituer au cinéma.


 

Adapter le roman de Marcel Rouff, La Vie et la passion de Dodin Bouffant, gourmet, une perle pour les amateurs de littérature gastronomique, était une gageure, puisqu’il s’agit d’un livre à l’action quasi immobile, qui ne tourne qu’autour de la préparation de repas d’anthologie (dont l’inoubliable description du fameux pot-au-feu, qui donne d’ailleurs son titre à la version internationale du film, même si, comme dans le livre, sa dégustation est esquivée). (1)


 


 

La première heure, qui ne quitte pas la cuisine, une cuisine fin-de-siècle avec tous ses accessoires, est étonnante et enfonce tout ce que l’on peut voir dans les émissions TV à la mode. Les ingrédients y sont traités selon un rituel admirable. Benoît Magimel, en grand officiant, et Juliette Binoche, en géniale cuisinière, offrent un duo de haut niveau.


 


 

Outre sa qualité gustative - vegans s’abstenir -, le film est d’une beauté visuelle constante, l’image venant soutenir le propos sans jamais prendre le pas. On a pu lire ici et là, dans les comptes-rendus cannois, des remarques quant à l’attribution, jugée imméritée, du prix de la mise en scène à Tran Anh Hung. Notons simplement qu’un jury de neuf personnes comprenant huit réalisateurs est mieux à même de juger le travail pratique effectué sur un film que les amateurs les plus avertis. Et nous ne demandons qu’à être convaincus, le jour où quelqu’un saura nous expliquer ce qu’est précisément la mise en scène, au-delà des clichés habituels (académique, inventive, grandiose, chaleureuse, moderne, emphatique, belle, etc.).


 


 

Pour le plaisir, revenons à Marcel Rouff  : "L’art gastronomique, comme tout autre art, comporte une philosophie, une psychologie et une éthique, il est partie intégrante de la pensée universelle, lié à la civilisation de notre terre, à la culture de notre goût et, par-là, à l’essence supérieure de l’humanité. […] Étalez pêle-mêle, sur une large table, tous les produits animaux et végétaux de la terre, du ciel et de l’onde, et songez à l’effort intellectuel, à la géniale intuition qui les harmoniseront, qui les doseront, arracheront à leur rude enveloppe, à leurs chairs mortes, toutes leurs saveurs, combineront leurs valeurs, leur raviront toutes les voluptés que la nature y a encloses et qui y dormiraient à jamais, inconnues et inutiles, si le cerveau et le goût humains n’étaient point là pour les forcer à livrer leurs savoureux secrets".

Lucien Logette
Jeune Cinéma n°423, été 2023

1. Au Festival de Cannes, le film a été présenté sour le titre Le pot-au-feu, et aux USA, sélectionné pour les Oscars 2024, il est sorti sous le titre The Taste of Things.


La Passion de Dodin Bouffant. Réal, sc : Tran Anh Hung, d’après l’ouvarge de Marcel Rouff (1924 ; ph : Jonathan Ricquebourg ; mont : Mario Battistel ; déc : Toma Baquéni ; cost : Tran Nu Yên-Khê Int : Benoît Magimel, Juliette Binoche, Bonnie Chagneau-Ravoire, Jean-Marc Rouleau, Emmanuel Salinger, Pierre Gagnaire (France-Belgique, 2022, 145 mn).



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