Depuis la fin des années 80, Cesária Évora, à 40 ans passés, a atteint la célébrité mondiale avec des chansons comme Miss Profumado et Café Atlantico. Accompagnée d’une biographie de pauvreté, et d’alcoolisme, elle s’est imposée comme une figure de femme ayant souffert, mais libre, si bien qu’elle est vite devenue, presque malgré elle, un modèle pour les femmes et pour les Noirs. Modèle que sa petite-fille Janete, présente dans le film, continue de faire vivre de par le monde à travers conférences et rencontres. "Je suis qui je suis grâce à ma grand-mère, déclare-t-elle. Elle a brisé tous les obstacles qui étaient imposés aux femmes de son époque. Sa liberté était un pur acte de rébellion. Sans pour autant connaître l’expression ’émancipation féminine’, elle a toujours défendu les droits des femmes, au quotidien, à travers son mode de vie. Même aujourd’hui au Cap-Vert, elle est une référence sur ce sujet".

Surnommée "la Diva aux pieds nus" (1), Cesária Évora était profondément humaine et généreuse. Ce documentaire retrace les luttes, les excès et les succès de la légendaire chanteuse et sa gloire tardive. D’une enfance difficile à des décennies de pauvreté, rongée par l’alcool et la dépression, elle finira par faire briller sa musique à travers le monde, la consacrant reine de la morna (2).

Son seul rêve fut d’être une femme libre. Cette liberté et cette fragilité qui vont de pair, le film les montre parfaitement, dans sa vie quotidienne, dans sa maison du Bon Dieu ouverte à tous, avec l’aide de son jeune et fidèle majordome. Car Cesária Évora aimait aussi les jeunes gens, et savait rire, et se donner à fond dans tous ses spectacles.

Ana Sofia Fonseca, conteuse d’histoires, née au Portugal, vit entre son pays d’origine et le Cap-Vert, où elle possède une maison à deux pas de celle de la star qui l’intriguait. Qui était cette femme qui a toujours placé sa liberté au-dessus de tout ? J’avais envie de comprendre comment une artiste noire et pauvre était passée de l’indigence à la célébrité. Après ses funérailles, en 2011, je pouvais voir la tristesse dans les yeux d’un peuple orphelin. Ce jour-là, je me suis dit qu’il faudrait faire un film sur cette femme incroyable.

Journaliste pendant vingt ans, Ana Sofia Fonseca a voulu lui rendre hommage. C’est pour la célébrer qu’elle s’est armée d’une caméra et est devenue documentariste.
Le portrait qu’elle en dresse est plein d’amour et d’humanité.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

1. C’est le titre de son premier album, dont Cesária Évora (1941-2011) confirme la pertinence dans le film : "Je n’ai jamais aimé les chaussures".

2. La morna est un genre musical originaire du Cap-Vert, proche de la notion portugaise de saudade : nostalgie, désir d’ailleurs.

Cesária Évora, la diva aux pieds nus. Réal, sc : Ana Sofia Fonseca ; ph : Vasco Viana ; mont : Claudia Rita Oliveira ; mu : José M. Afonso (Portugal, 2022, 94 mn). Documentaire.