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Conann (2023)
de Bertrand Mandico
publié le mercredi 29 novembre 2023

par Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle de la Quinzaine des cinéastes au Festival de Cannes 2023

Sortie le mercredi 29 novembre 2023


 


Dans un environnement onirique, la vieille Conann amnésique rencontre Rainer, une femme à tête de chien qui, pour lui faire retrouver la mémoire, lui conte son histoire. Soit cinq périodes au cours desquelles Conann est incarnée par six actrices, dans six environnements différents allant de zones dantesques à un chic intérieur new-yorkais.


 

L’efficacité de ce nouveau film de Bertrand Mandico tient ainsi pour beaucoup au choix de structurer cette histoire en flash-back, de façon chronologique, en partant de la jeunesse de l’héroïne. À chaque segment de vie correspond ainsi une époque en phase avec son état d’esprit. Et parce qu’il donne une durée inégale à chacune de ces phases, la jeunesse et les amours passant à toute vitesse face au temps de la maturité et de la vieillesse, le film prend un rythme cassé et un aspect organique qui parachève de donner vie à cet univers à la fois cauchemardesque et féerique.


 


 

De plus, en associant son public à un personnage ingénu, Bertrand Mandico y immerge ce dernier sans la moindre peine. Ce caractère immersif est accentué par le travail des ambiances sonores et par une musique qui souligne les émotions qui traversent le cadre des chapitres. Cela permet aussi de justifier l’usage du noir et blanc qui esthétise l’œuvre et régule sa violence sans en diminuer la brutalité, l’attention du spectateur est resserrée autour des émotions des acteurs.
L’efficacité de leur jeu, au même titre que l’usage d’effets spéciaux, accentue la crédibilité de ce monde, la force de l’interprétation de chacune résidant dans le fait que tout en représentant une Conann différente, elles parviennent à donner la sensation d’être un unique personnage, notamment uni par la solitude.


 


 

Et parce que les états d’âme de son héroïne, plongée dans un monde violemment individualiste, sont le moteur de son film, Bertrand Mandico évite les mouvements de caméra trop marqués. Cette dernière, fluide et sensuelle, tourne autour des personnages et filme avant tout leurs comportements. Ainsi, l’œuvre demeure-t-elle à échelle humaine malgré son caractère baroque. Au gré de ses chapitres, l’auteur aborde métaphoriquement de multiples thèmes contemporains tels que le féminisme (la distribution est essentiellement féminine), le rapport entre l’art et l’argent, la mémoire, l’héritage et ainsi de suite, sans jamais prendre des allures de donneur de leçon ni mettre de distance avec son public.


 


 

Par le contraste ainsi créé entre la plasticité de décors donnant vie à des sentiments et à des thèmes de société, et le naturel du jeu des actrices et des mouvements de caméra, le film réussit à se montrer à la fois réflexif et émotif. Fourmillant de références cinématographiques allant de John Milius à Kenji Mizoguchi, en passant par Liliana Cavani et Quentin Tarantino, Conann respire la foi dans le cinéma, notamment en sa capacité d’être une fenêtre sur des mondes étranges et lointains, susceptibles d’éclairer notre réalité sous une nouvelle lumière, sans jamais négliger l’émotion.

Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma en ligne directe


Conann. Réal, sc : Bertrand Mandico ; ph : Nicolas Eveilleau ; mont : Laure Saint-Marc ; mu : Pierre Desprats ; déc : Anna Le Mouël ; cost : Elise Cribier-Delande. Int : Elina Löwensohn, Françoise Brion, Nathalie Richard, Agata Buzek, Sandra Parfait, Christa Theret, Christophe Bier, Audrey Bonnet, Yuming Hey, Karoline Rose Sun (Luxembourg-France-Belgique, 2023, 15 mn).



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