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Jeunesse (Le Printemps) (2023)
de Wang Bing
publié le mercredi 3 janvier 2024

par Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°423, été 2023

Sélection officielle en compétition du Festival de Cannes 2023

Sortie le mercredi 3 janvier 2024


 


Wang Bing est un documentariste sérieux. Pour tourner À l’Ouest des rails, son deuxième film, sur la déchéance du grand pôle industriel du Nord-Est, il était retourné à Shenyang, sa ville d’étudiant, et s’y était installé de 1999 à 2003.
Pour amorcer son nouveau grand projet (qui date de 2015), il a réitéré la méthode, en s’installant dans le Sud, à Shanghai, entre 2014 et 2019. Son dernier film, Le Printemps, est à la fois le prolongement de Argent amer (2016) et la première partie de la trilogie Jeunesse, qui devrait durer 9h30.


 


 


 

Cette fois, il nous emmène à Zhili, une ville consacrée à la confection textile, dans la vallée du Yang Tsé. Des centaines de milliers de jeunes ouvriers couturiers y travaillent 15 heures par jour dans de petits ateliers de confection privés, partageant des dortoirs et mangeant sur le pouce, pour gagner de quoi fonder peut-être un jour leur propre affaire et une famille, si possible avant l’âge de 25 ans. Ils sont habiles et ultra rapides, ils voudraient atteindre un salaire de 500 yuans par mois (1300 €), mais ils sont payés à la pièce, et c’est plus difficile et plus long de travailler certains tissus. Il serait normal de rémunérer plus cher un short en tissu trop souple qu’un pantalon en coton. Ils exposent leurs arguments au petit patron qui ne les retient pas, et invoque la concurrence, les yeux rivés sur les cadences.


 


 


 

Wang Bing nous montre leur vie quotidienne. Tout en cousant, sur des musiques tonitruantes, ils rigolent, se chamaillent, flirtent, ils sont collés à leur portable, ils songent à se marier. Ils sont vifs et joyeux, les échanges sont confiants. La vie matérielle est dure, les espaces sont sales, à la chinoise, mais ils se lavent les pieds soigneusement et coexistent pacifiquement dans la promiscuité.


 


 


 

C’est un récit descriptif. Le cinéaste ne filme pas un collectif, une histoire, ou des perspectives, il filme des individus dans leur présent difficile, une mosaïque d’individus, avec des amourettes romantiques, des parents tyranniques, des injustices, des ambitions assumées. Pour se familiariser avec ces jeunes consentant au libéralisme et à cette surexploitation (dont ils comptent un jour profiter à leur tour), il lui a fallu pénétrer dans les ateliers et apprivoiser le milieu, donc apprendre le dialecte chinois du delta du fleuve bleu.


 


 


 

Le film dure 3h30. À vrai dire, malgré notre grande sympathie, puisque cette première partie est constituée de morceaux choisis tirés de 2600 heures de rushes récoltées sur 5 ans, on l’aurait bien aimée un peu plus condensée.

Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°423, été 2023


Jeunesse (Le Printemps) (Qingchun). Réal, sc : Wang Bing ; ph : W.B., Maeda Yoshitaka, Shan Xiaohui, Song Yang, Liu Xianhui & Bihan Ding ; mont : Dominique Auvray (France-Chine-Pays-Bas-Luxembourg, 2023, 212 mn). Documentaire.



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