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Bellissima (1951)
de Luchino Visconti
publié le mercredi 31 janvier 2024

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle Venezia Classici de la Mostra de Venise 2023

Sorties les mercredis 12 avril 1961, 22 avril 1981, 2 octobre 1996 et 31 janvier 2024


 


Même si les historiens du cinéma ne sont pas vraiment d’accord entre eux pour dater la fin de ce qu’on a appelé le néoréalisme italien, on pourrait presque affirmer que Bellissima en 1951 et Le Voleur de bicyclette de Vittorio de Sica trois ans plus tôt représentent les moments de son acmé. Luchino Visconti, tout comme Vittorio de Sica, sont les maîtres du néoréalisme, tout comme bien sûr Roberto Rossellini et Federico Fellini qui fut son assistant à ses débuts, et qu’à eux quatre ils vont présider aux destinées de ce mouvement cinématographique, aidé du scénariste Cesare Zavattini.


 

Luchino Visconti, en 1943, avait déjà voulu engager Anna Magnani pour son Ossessione, mais la production avait refusé car elle était enceinte. C’est alors Roberto Rossellini qui lancera deux ans plus tard sa carrière en lui offrant d’éblouir son film Rome ville ouverte, lui permettant de devenir la "Louve" reconnue à l’international. C’est alors qu’elle est maintenant célèbre que Luchino Visconti fait donc appel à elle pour le rôle de la mère dans Bellissima en 1951, riche idée puisqu’elle y est magnifique et bouleversante, telle que Pier Paolo Pasolini la voudra pour qu’elle incarne à nouveau une mère de tragédie dans Mamma Roma en 1962.


 


 

À partir d’un scénario de lui avec Cesare Zavattini, et avec des dialogues de Suso Cecchi D’Amico, (avec qui il travaillera toute sa carrière), et de Francesco Rosi, ce troisième film du prince Visconti est une réussite, celle de son talent incontestable, mais aussi celle du néoréalisme puisque le réalisateur a l’idée de transformer le personnage de Maddalena - au départ une petite bourgeoise - en femme du peuple. Anna Magnani y excelle, elle y est la vedette et c’est comme une revanche.


 


 

Elle y est surtout parfaitement émouvante et les films du Camélia a eu une excellente idée en sortant cette année le film en salles, avec une restauration en 4K parce qu’il est vrai que ce film est encore très actuel. On pourrait même oser dire qu’il n’a pas pris une ride car Luchino Visconti et ses scénaristes ont fait œuvre de visionnaires en traitant frontalement, alors qu’ils faisaient partie du sérail, de l’usine à rêve du cinéma. En l’occurrence, puisque nous sommes à Rome, Cinecittà, la ville du cinéma, voulue par Mussolini et créée avant la guerre pour y tourner des bluettes et des films de propagande.
D’ailleurs, c’est ici Alessandro Blasetti lui-même qui y tourne son nouveau film, lui qui travailla pour le régime fasciste notamment avec Le Rappel de la terre en 1930 et qui devint, dès les années 40, un des pionniers lui aussi du néoréalisme avec Quatre pas dans les nuages en 1942. Dans Bellissima, on le voit en personne sur le plateau à la recherche d’une petite fille pour le rôle principal de son nouveau film.


 


 

Maddalena y verra au début comme une manière d’utiliser sa fillette pour sortir de la pauvreté mais, peu à peu, elle comprendra aussi que ce système est frère de l’exploitation et du mépris de classe. On pourrait y voir maintenant, à la place du cinéma-rêve, la télévision qui a érigé ce principe de domination et d’exploitation de l’être humain à travers ce qu’on continue d’appeler la télé-réalité, et dont Matteo Garrone a bien montré l’horreur à travers le calvaire d’une famille napolitaine dans Reality en 2012.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe


Bellissima. Réal : Luchino Visconti ; sc : L.V., & Cesare Zavattini ; adapt & dial : L.V., Suso Cecchi D’Amico & Francesco Rosi ; ph : Piero Portalupi & Paul Ronald ; mont : Mario Serandrei ; mu : Franco Mannino d’après des thèmes de L’Élixir d’amour de Gaetano Donizetti ; déc : Gianni Polidori ; cost : Piero Tosi. Int : Anna Magnani, Walter Chiari, Tecla Scarano, Lola Braccini, Arturo Bragaglia, Nora Ricci, Linda Sini, Alessandro Blasetti, Filippo Mercati, Mario Donatone (Italie, 1951, 110 mn).



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