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Walk Up (2022)
de Hong Sang-soo
publié le mercredi 21 février 2024

par Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma n°427-428, mars 2024

Sélection officielle en compétition du Festival se San Sebastian 2022

Sortie le mercredi 21 avril 2024


 


Byungsoo et sa fille rendent visite à une amie, propriétaire d’un immeuble. Charmés par le lieu, ils décident de rester.


 

L’une des astuces de Hong Sang-Soo pour narrer son histoire, tournée à huis clos, et structurée autour des conversations des personnages, consiste à camoufler ses ellipses entre les changements de plans et d’étages de l’habitat. Un camouflage qui donne une atmosphère étrange au récit, dans la mesure où, d’une pièce à l’autre, les personnages affirment des points de vues antinomiques.


 

Les individus peuvent ainsi passer de végétariens à mangeurs de viande, de la volonté de faire des films à celle de prendre sa retraite ou, surtout, d’une amitié indéfectible à une forte inimitié, en l’espace d’un changement de plan. Ce faisant, l’auteur exhibe malicieusement la nature versatile, fluctuante et superficielle des convictions humaines.


 

L’ensemble est d’une grande élégance. À partir de conversations banales émerge, par montage, une belle complexité, encore accentuée par le recours au plan séquence. Tous sont rythmés avec une précision d’orfèvre, les acteurs parviennent à faire deviner tout un pan de non-dits, d’inavoués, de frustrations et de rapports de force, en gardant généralement le sourire, un aspect qui tend à accentuer l’ironie du film. Le noir & blanc employé, fait de multiples nuances de gris, tend, d’une part, à créer un effet d’homogénéisation spatiale et, ce faisant, à rendre paradoxalement les ellipses temporelles masquées d’autant plus palpables, tout en redisant symboliquement, d’autre part, les nuances psychologiques de personnages complexes.


 

L’aspect symbolique de l’œuvre se retrouve jusque dans le choix de fragmenter l’espace en plans fixes, pour expliciter le caractère illusoire de la continuité des rapports humains. En parlant de continuité : le film conserve la nature familiale et autobiographique propre au cinéma de l’auteur, du fait du recours d’acteurs réguliers comme du choix des personnages : un réalisateur, des artistes, qui discutent de leur métier et de leur rapport à l’art.


 

Enfin, Walk Up fait la part belle au thème privilégié de Hong Sang-Soo : celui de la solitude induite par la modernité. Thème qui transparaît justement au travers de l’isolement des individus au sein de l’immeuble, mais aussi par le fait qu’il ne tourne jamais sa caméra vers l’extérieur ou vers une quelconque ligne de fuite qui signifierait un ailleurs. Ce choix est notamment achevé par le travail sur les ambiances sonores.


 

Walk Up, par le respect de l’unité de lieu, devient claustrophobique. Une facette d’abord accentuée par le recours au format large qui, employé en intérieur, renforce l’allure close et labyrinthique de l’espace, et ensuite parachevée par la rareté de la musique utilisée. Empli de réflexions sur la solitude et l’isolement, le film est une œuvre soignée, dans la suite logique de l’œuvre de son auteur.

Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma n°427-428, mars 2024


Walk Up. Réal, sc, ph, mont, mu : Hong Sangsoo. Int : Kwon Hae-hyo, Park Mi-so, Lee Hye-yeong, Cho Yun-hee (Corée, 2022, 97 mn).



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