par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°427-428, mars 2024
Sortie le mercredi 6 mars 2023
Jacques Romand (Vincent Lindon), professeur désenchanté par son métier, se retrouve soudain confronté à Victor (Stefan Virgil Stoica), 14 ans, enfant de la communauté rom. Victor vole dans la caisse d’une épicerie et se fait prendre par la police. Jacques Romand voit la scène, il suit le jeune garçon, lui apprend à lire, écrire et l’éduque, avec l’aide de Harmel Kirshner (Karole Rocher) membre d’une association d’aide aux enfants.
Un scénario simple, efficace, humain sur la misère des Roms et des enfants roms, contraints de voler pour rapporter l’argent à la famille, sous peine d’être battus. L’histoire du cinéma est pleine de fictions dramatiques plus ou moins tragiques traitant de la pauvreté des enfants, mais Nicolas Boukhrief s’intéresse aux Roms, cette communauté nomade qui a toujours été l’objet de discrimination et de persécution. Ici, il transpose le sujet, car outre montrer la misère à travers la vie du jeune Victor - clin d’œil à L’Enfant sauvage de François Truffaut (1970) -, il en dénonce la condition qu’elle incarne, en choisissant de dissimuler ce peuple misérable à l’abri des regards, au fin fond d’un parc, derrière une palissade. Leur misère ne concerne plus personne, elle est à l’écart de la société, au rebut.
Le professeur, en décidant d’éduquer Victor, l’arrache à sa communauté, le prend chez lui, dans sa maison au milieu d’un jardin, et l’extrait momentanément de cette pauvreté ; le film est alors axé sur la confrontation entre les deux mondes, celui, malheureux, caché à l’ombre des éclairages de fortune (à noter les plans clairs-obscurs dans la nuit), et, d’autre part, le monde bourgeois, incarné par ce professeur qui, d’ailleurs, vend sa maison devenue trop grande pour lui. Une mise en scène resserrée et intense, un face à face entre Jacques Romand et Victor, et quelques moments auprès de l’aide sociale. C’est presque un huis clos entre ces deux personnages aux belles présences.
Vincent Lindon une force humaine, fervent et aimant, et Victor, un jeune acteur d’origine roumaine qui possède un peu la fougue et la liberté d’Antoine Doinel. La rencontre est admirable, à la fois intime et universelle.
Dans une mise en scène d’une sobriété exemplaire, les mots trouvent un écho suffisant pour figurer les caractères aussi déterminés et écorchés l’un que l’autre. Comme un fils, grâce à la modestie de son dispositif filmique et la sincérité de ses acteurs et malgré son austérité, est un film profondément humain.
Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°427-428, mars 2024
Humain, trop humain...
Comme un fils. Réal : Nicolas Boukhrief ; sc : N.B. & Éric Besnard ; ph : Éric Gautier ; mont : Lydia Boukhrief ; mu : Rob ; déc : Julia Lemaire ; cost Elfie Carlier. Int : Vincent Lindon, Stefan Virgil Stoica, Karole Rocher, Sorin Mihai (France, 2023, 102 mn).