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Inchallah un fils (2023)
de Amjad Al Rasheed
publié le mercredi 6 mars 2024

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°427-428, mars 2024

Sélection officielle de la Semaine de la critique 2023

Sortie le mercredi 6 mars 2024


 


Ce premier long métrage jordanien a été présenté à Cannes en 2023 à la Semaine de la critique où il a obtenu le prix du Rail d’or. Il représentera la Jordanie aux Oscars 2024. C’est une pure réussite. Il oscille, avec ses propres caractéristiques, entre le cinéma néoréaliste italien et les films de Youssef Chahine. Amjad Al Rasheed, malgré son jeune âge, aidé par deux productrices jordaniennes et un producteur français, a décidé de s’attaquer au problème du patriarcat dans son pays. Élevé par des femmes qui se confiaient entre elles librement sur les relations avec leurs époux, le réalisateur a entendu parler d’une tante qui, à la mort de son mari et n’ayant eu que des filles, aurait dû être privée de l’héritage pour le distribuer à ses frères. Or, ceux-ci ont refusé l’héritage pour éviter qu’elle soit à la rue et lui ont déclaré cette phrase choquante : "Nous te permettons de vivre chez toi !"


 

Très choqué à son tour par ces paroles humiliantes, même si elles partaient d’un bon sentiment, Amjad Al Rasheed a voulu partir du questionnement du scénariste : "Et si ?" C’est ainsi qu’est né ce scénario co-écrit avec Rula Nasser et Delphine Agut, qui raconte justement l’horreur de la vie de la jeune Nawal, dont le mari, avec qui elle n’avait eu qu’une fille, meurt subitement. Le frère du défunt veut récupérer l’appartement et tous les biens, au prétexte que faute d’enfant mâle, la loi le fait héritier de tout. L’enfermement des femmes est rendu par un habile travail sur les trois lieux : l’appartement où vit encore Nawal dans les quartiers populaires, l’appartement de Lauren, une riche chrétienne et sa mère dont elle s’occupe, et les rues et les espaces publics, qui sont tout autant tous des prisons pour les femmes.


 


 

Nawal, lorsqu’elle entre chez elle, se sent observée par les voisines des autres étages, mais aussi par sa patronne, son frère et celui de feu son mari. Le film fonctionne comme une nasse étouffante dans laquelle elle se débat désespérément mais courageusement, jusqu’à un dénouement qui justifie le titre du film. Pour décrire cette prison à ciel ouvert et qui ne perdure que grâce aux traditions, le réalisateur a cherché des décors réalistes et authentiques qui reflètent la vie et la culture jordaniennes, sans modifier les éléments utilisés - la nourriture, les habitudes, les véhicules - à l’exception de la maison de Nawal, qui a été intégralement redécorée.


 


 

On pourrait voir dans l’existence de ce film la preuve que la société jordanienne, bien que musulmane dans sa grande majorité, est peut-être en train d’évoluer. C’est aussi l’occasion pour Amjad Al Rasheed de peindre Amman, sa ville, telle qu’elle est, sans en donner une vision idéalisée, en rendant hommage à l’incroyable beauté de son désordre urbain. Et le film est porté tout du long par le charisme et la beauté de Mouna Hawa qui incarne Nawal à la perfection.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°427-428, mars 2024


Inchallah un fils (Inshallah walad). Réal : Amjad Al Rasheed ; sc : A.A.R., Rula Nasser & Delphine Agut ; ph : Kanamé Onoyama ; mont : Ahmed Hafez ; mu : Jerry Lane. Int : Mouna Hawa, Haitham Omari, Yumna Marwan, Salwa Nakkara, Mohammad Al Jizawi,
Eslam Al-Awadi (Jordanie-France-Qatar, 2023, 116 mn).



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