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Salle des profs (la) (2023)
de Ilker Çatak
publié le mercredi 6 mars 2024

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°427-428, mars 2024

Sélection officielle Panorama de la Berlinale 2023

Sortie le mercredi 6 mars 2024


 


Grand Prix au festival de Valenciennes et Prix du jury au Festival du film européen des Arcs l’an dernier, le film du Germano-Turc Ilker Çatak va assurément passionner son public par les thèmes et débats qu’il soulève. Pour son quatrième long métrage, le réalisateur semble nous offrir une enquête à l’intérieur d’un établissement scolaire, mais il ne faut pas se fier aux apparences : cette Salle des profs n’est qu’un stratagème pour parler de l’état du monde et de la société. C’est un microcosme, un modèle des différentes forces en présence : le chef de l’État, les ministres, la presse, le peuple... et le film aborde beaucoup de sujets différents. Son aspect central est la question de la vérité : comment on la cherche, est-ce qu’on la trouve, est-ce qu’on y croit ?...


 


 

Autour de ce qu’on pourrait qualifier de faits divers, le réalisateur et son scénariste Johannes Duncker, son ami d’enfance, racontent l’histoire d’une salle des profs de collège dans laquelle a lieu de mystérieux vols. L’un touche une professeure principale, d’origine polonaise, qui soupçonne la secrétaire du chef d’établissement. Le film n’est pas une variante du "Cluedo", il permet simplement à Ilker Çatak de poser des questions sur notre société, partagée entre suspicion généralisée, réseaux sociaux et agressivité quasi permanente. Comment doit-on se comporter dans une école et, par ricochet, dans la société ? A-t-on le droit de fouiller arbitrairement le porte-monnaie des élèves pour trouver le voleur ? A-t-on le droit de filmer à leur insu les professeurs dans leur salle réservée ? Que faire en pareille circonstance pour une collectivité quand les nouvelles technologies pourraient permettre de cerner plus facilement les coupables ? Et, allons plus loin, qu’en sera-t-il bientôt avec l’intelligence artificielle ?


 


 

Le film s’impose dans sa complexité, servi par un casting éblouissant, à commencer par les enfants, choisis minutieusement et soigneusement préparés chaque matin par le réalisateur. L’ensemble des professeurs occupant cette fameuse salle est criant de vérité, jusqu’au choix d’un professeur antillais qui sera absurdement accusé de racisme, par une société devenue follement inquisitrice et nourrie de bien-pensance.


 


 

Leonie Benesch, en professeure principale, est parfaite, avec son allure à la fois sérieuse et angoissée, elle dont on ne connaît rien de sa vie, excepté son origine et le fait qu’elle refuse de parler polonais avec un autre professeur de même origine.


 


 


 

Le réalisateur a choisi de garder le mystère du personnage - aucun background, aucune indication personnelle -, pensant que le caractère finit toujours par se révéler au moment de prendre des décisions difficiles. C’est elle d’ailleurs qui introduit un autre élément, un "Rubik’s cube", qui servira de finale pour ce film intelligent, dont Ilker Çatak aimerait qu’il ouvre matière à débat à l’issue de ses projections.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°427-428, mars 2024


La Salle des profs (Das Lehrerzimmer). Réal : Ilker Çatak ; I.Ç. & Johannes Duncker ; ph : Judith Kaufmann ; mont : Gesa Jäger ; mu : Marvin Miller. Int : Leonie Benesch, Michael Klammer, Rafael Stachowiak, Eva Lobau, Kathrin Wehlisch (Allemagne, 2023, 98 mn).



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