par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe
Sélection Panorama Berlinale 2014
Sortie le mercredi 25 mars 2015
Adapté de la nouvelle d’Edgar Allan Poe, L’Homme des foules est un film réalisé à deux, pratique assez courante aujourd’hui et notamment lorsque l’un des deux réalisateurs est artiste.
C’est le cas de Cao Guimaraes, dont les œuvres font partie des collections du Moma, de la Tate Modern et du musée Guggenheim. Marcelo Gomes, lui, est scénariste et réalisateur, un de ses films, Cinéma, aspirines et vautour, fut sélectionné à Un certain regard à Cannes 2005.
L’homme des foules se nomme Juvenal, il est conducteur de métro à Belo Horizonte ; Margo s’occupe du trafic du réseau ferroviaire, tous deux vivent dans une solitude extrême, non par goût mais par malchance.
À partir de la nouvelle fantastique, le tandem de réalisateurs a modifié les codes du cinéma et fabriqué une représentation différente, en la confrontant au réel contemporain. D’emblée ils ont choisi un format carré, une lumière diffuse atténuant les valeurs, une image légèrement brouillée, des décors vastes et vides ou, au contraire, grouillant.
Ce n’est pas un film classique, une diffusion en salles semble même difficile, c’est un "film de musée", un "objet filmé", l’objet étant le concept même de l’image.
Une image muette, cadrée carrée, souvent fixe ; à l’intérieur, le sujet se déplace selon un rythme lent, qu’il soit noyé dans la foule grouillante ou isolé dans la vacuité de l’espace. Dans la foule ou à son domicile, dans un bar, entre les trains, marchant en suivant la ligne des rails, il est seul.
Cette solitude est une posture artistique revendiquée, sorte d’instantanés du présent, chacun des plans pouvant se transformer en installations muséographiques.
L’art des réalisateurs vient du temps qu’ils donnent à chaque plan. Le temps de l’être solitaire n’est pas un temps filmique, c’est un temps plastique, voire pictural. On songe aux portraits, pourquoi pas photographiques.
Formellement, le film parvient par sa singularité, malgré la longueur de la démonstration et quelques retours inutiles, à produire une émotion.
Face à la solitude, il y a, à la fois, de la justesse et du déplaisir, un mal-être et une évidence. Une tristesse à ce point profonde ne peut trouver son terreau que dans une attitude artistique dont la notion de temps est inhérente à la création d’une image.
Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe (mercredi 25 mars 2015)
L’Homme des foules (O Homem das multidoes). Réal, sc, mont : Cao Guimaraes et Marcelo Gomes ; sc : Kita Ca ; ph : Ivo Lopes Araujo ; mont : Lucas Sander ; mu : O Grivo. Int : Paulo André, Silvia Lourenço, Jean-Claude Bernardet (Brésil, 2013, 95 mn).