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Memory (2023)
de Michel Franco
publié le mercredi 29 mai 2024

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°429, mai 2024

Sélection en avant-première à la Mostra de Venise 2023

Sortie le mercredi 29 mai 2024


 


Amateur de thrillers et de drames, Michel Franco s’est fait connaître en 2009, à Cannes, avec Daniel y Ana. En 2012, Despues de Lucia le porte vers le grand public, et en 2017 il obtient le prix du Jury Un Certain Regard avec Les Filles d’Avril. Memory est son huitième long métrage (1).


 

À l’occasion d’une réunion d’anciens élèves du lycée, Sylvia et Saul se retrouvent. Soudainement, elle quitte le lieu, il décide de la suivre jusqu’à son domicile. Elle se barricade chez elle, effrayée. Le lendemain matin, elle s’aperçoit qu’il l’a attendu toute la nuit en bas de chez elle et qu’il ne sait plus qui il est. Sylvia travaille dans une association d’aide aux personnes ; Saul est atteint de démence. Les questions surgissent : pourquoi Sylvia a-t-elle si peur, notamment pour sa fille adolescente ? Pourquoi prend-elle ses distances ? Pourquoi l’a-t-il suivie ? Pourquoi est-il resté prostré en bas de chez elle ?
Nous n’en savons rien, le scénario progresse à son rythme, tandis que se crée une attirance-répulsion entre les deux personnages, pris dans un étau qui semble se resserrer contre eux, avec eux et pour eux. À noter les performances extraordinaires des deux acteurs principaux, Jessica Chastain et Peter Sarsgaard.


 

Michel Franco aborde le thème de l’oubli dans deux de ses aspects les plus antagoniques. L’oubli volontaire de choses vécues indicibles, violentes et destructrices, et l’oubli inconscient de bribes de la vie qui demeurent avec le temps, introuvables, éloignées, effacées par le cerveau défaillant. Le premier réclame une force mentale pour dénicher et évoquer le souvenir, l’autre ne peut que substituer un autre objet à celui perdu, créer de ce fait une nouvelle mémoire, donc un nouvel avenir. C’est ce que tente Saul, avec sincérité et amour.


 


 

La complexité du sujet est traitée par une observation d’une grande acuité, aussi bien les sentiments et les caractères des deux protagonistes que ceux des personnages secondaires. Tout le long du film, une mélodie datant de 1967 mélancolique à souhait, "A Whiter Shade of Pale", du groupe Procol Harum, inspirée, disent les musicologues, d’une étude de Jean-Sébastien Bach. Une ombre de pâle s’immisce à plusieurs reprises dans certaines scènes décisives, agissant comme un miroir des âmes, apaisant et flottant à travers l’espace.


 

Le cri chez Michel Franco n’est pas déchirure mais délivrance où résonne l’amour. Memory met magnifiquement en scène les tensions psychologiques existant chez les personnes fragilisées par les événements de la vie adulte et les perturbations de l’enfance. "A Whiter Shade of Pale" disperse quelques notes de douce tristesse pour accompagner la souffrance des êtres et les mener vers la consolation.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°429, mai 2024

1. Les films de Michel Franco ont été remarqués par le Festival de Cannes, dès ses premiers films. Daniel y Ana, sélection de la Quinzaine des réalisateurs (2009) ; Después de Lucía, Prix Un certain regard au festival de Cannes 2012 ; "Chronic", Jeune Cinéma n°366-367, été 2015, en compétition officielle, Prix du scénario ; "Les Filles d’Avril", de Michel Franco, Jeune Cinéma en ligne directe, Prix spécial du jury Un certain regard (2017).


Memory. Réal, sc : Michel Franco ; ph : Yves Cape ; mont : M.F. & Oscar Figueroa. Int : Jessica Chastain, Peter Sarsgaard, Brooke Timber, Merritt Wever, Jessica Haper (Mexique-USA-Chili, 2023, 100 mn).



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