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Fainéant.es (2024)
de Karim Dridi
publié le mercredi 29 mai 2024

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 29 mai 2024


 


Vous êtes-vous déjà demandé qui sont réellement ces punks à chiens assis sur les trottoirs que, souvent, vous voyez sans les regarder vraiment ? Avec sa productrice et coscénariste Emma Soisson, Karim Dridi nous apporte un début de réponse avec ce film admirable.


 


 

Émouvant, et plastiquement très beau, Fainéantes.e.s, à qui on pardonne volontiers cet écart de langage dans le titre comme tribut à l’écriture inclusive, met en scène deux filles étranges, à la marge comme on dit, et qui vivent de démerdes et de rêves. L’idée de ce film est venue lors d’une rencontre fortuite avec une des actrices, lors d’une masterclass sur la direction d’acteurs que le cinéaste animait en province. C’est vrai que Faddo Jullian ne ressemble à personne. Et la coscénariste a eu l’idée brillante en plus de lui associer une autre actrice marginale, .jU. (prononcez Djoul), une amie de Faddo, pas aussi fusionnelle que dans le film.


 


 

Du coup, Emma Soisson a réécrit le rôle de ce second personnage qui, au départ, ne devait se contenter que de quelques répliques, pour en faire un personnage à part entière, ce qui apporte plus de "sororité" à ce film. Karim Dridi avoue ne plus savoir quelle était alors sa place dans ce qu’il qualifie de "film de femmes". "Je me demandais si j’étais légitime pour écrire un film uniquement sur des femmes, déclare-t-il. Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir apporter, moi, là-dessus ? Mais Emma m’a assuré qu’avec ma sensibilité, ça allait le faire". Le résultat est saisissant de vérité, et on pense parfois à Sans toit ni loi de Agnès Varda (1985), en moins tragique. On sent ici la volonté des auteurs de proposer un film naturaliste qui tente de cerner la réalité telle qu’elle est. Ce n’est pas non plus un film moralisateur ou bien-pensant, avec la volonté de dépeindre de gentils punks à chiens que la société traite de fainéants ou de drogués ou, au mieux, de vagabonds. On les voit ici dans leur quotidien, leurs réunions pour continuer à avoir un semblant de vie sociale, leurs combats quotidiens pour trouver un lieu où dormir et de quoi manger.


 


 


 

Mais surtout on les découvre dans leurs amours, leurs rêves et leurs espoirs, car, même prisonniers du vagabondage et de la précarité, on peut continuer à espérer et à aimer. C’est tout cela que le film rend parfaitement, aidé par l’image magnifique du trio Aurélien Py, Benjamin Ramalho et Jean-Yves Ricci. Et une pléiade d’acteurs et d’actrices en plus du tandem déjà cité : Odette Simonneau, Lucas Viudez, Bernard Llopis, et même Emma Soisson pour une apparition non créditée dans le rôle de la sœur.


 


 


 

Avec ce nouveau film, qui vient après son très remarqué documentaire, Revivre (2024), Karim Dridi nous offre une fiction aux accents documentaires qui met encore en scène des "gens de rien", ceux qu’on qualifie de "sans-dents" ou de parasites, mais qui, comme chacun, ont des rêves de reconnaissance. Ce film sur la laideur de ces "monstres", tant physiquement que socialement, les rend plus beaux et plus humains, un peu à la manière de Federico Fellini, il y a soixante-dix ans, avec son road-trip d’un couple de saltimbanques déshérités dans La strada (1954).

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe


Fainéant.es. Réal : Karim Dridi : sc : K.D. & Emma Soisson ; ph : Aurélien Py, Benjamin Ramalho & Jean-Yves Ricci ; mont : Paul Pirritano ; mu : David Gubitsch, Clément Léotard & Vincent Peirani. Int : Faddo Julian, .jU., Odette Simonneau, Lucas Viudez, Bernard Llopis (France, 2024, 103 mn).



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