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Maria (2024)
de Jessica Palud
publié le mercredi 19 juin 2024

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°430, été 2024

Sélection officielle Cannes Première du Festival de Cannes 2024

Sortie le mercredi 19 juin 2024


 


Hier, en 1972, Le Dernier Tango à Paris de Bernardo Bertolucci, qualifié de pornographique, fit scandale, et l’actrice Maria Schneider, violée par Marlon Brando, traînée dans la boue. Aujourd’hui, Maria de Jessica Palud provoquera probablement autant d’éloges que d’attaques, face au récit qu’elle en fait, avec la scénariste Vanessa Schneider, auteure du livre sur sa cousine, l’interprète de 19 ans du dit film.


 

Comment considérer ce film qui se présente comme un biopic ? Une jeune et belle actrice, Maria Schneider, incarnée ici par Anamaria Vartolomei, désirait ardemment faire du cinéma, mais elle perdra sa vie en se piquant à l’héroïne, après avoir tourné une sale scène de sodomisation devant la caméra, sans qu’elle en ait été prévenue. Comment regarder le film de Jessica Palud et cette fameuse scène reprise comme un remake ? Pour comprendre ce qu’il se passe dans de telles circonstances de tournage ? Pour voir cette jeune femme blessée, en proie à la rage, la haine et la honte ? Pour ressentir le poids du regard sur la violation de son corps ? P


 

Par chance, Jessica Palud est une femme, ce qui change le filmage des scènes paraît-il "toujours simulées", mais plus courtes, plus chastes, plus douces ; cependant le regard du spectateur face à elles ne change pas, il est évidemment "voyeur" comme face à tous les films. Et c’est bien cette faculté du "voir" qui fait de lui un possible "regardeur". Alors que dire d’un film qui, pour juger de la responsabilité morale d’un autre, emprunte les mêmes dispositifs ?


 

Aujourd’hui, face à Metoo et au célèbre consentement, le film de Jessica Palud peut être un "J’accuse" face à la violation de l’intégrité sexuelle de l’actrice, montrant ce qu’a été la scène dans sa cruauté et son abus de pouvoir, pour bien en faire ressentir l’insupportable au "regardeur". Et concevoir combien il est nécessaire de dénoncer ces pratiques pour en finir avec les violences faites aux femmes dans le cinéma. Mais avec une certaine prudence, car l’œuvre n’est faite que de regardeurs, pour paraphraser à l’envers Marcel Duchamp.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°430, été 2024


Maria. Réal, sc : Jessica Palud ; sc : Laurette Polmanss, d’après Vanessa Schneider ; ph : Sébastien Buchmann ; mont : Thomas Marchand ; mu : Benjamin Biolay. Int : Anamaria Vartolomei, Hugo Becker, Marie Gillain, Yvan Attal, Matt Dillon, Céleste Brunnquell, Stanislas Merhar, Giuseppe Maggio (Fance, 2024, 105 mn).



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