Rêve de cinéphile.
Ça commence avec Nanook l’Esquimau, ça continue via les personnages avec l’absence de Robert De Niro - dans Raging Bull ou Le Parrain - , la présence de Jerry Lewis et Faye Dunaway, la mouche de Psychose et l’avion de La Mort aux trousses.

Gros clin d’œil aux quelques-uns qui ont vu Le Sacrifice de Andreï Tarkovski et sa maison qui flambe près de l’arbre. Il y aurait même, nous dit le générique, Le Magicien d’Oz, mais on ne l’a pas vu.

On aura beau dire que Emir Kusturica retourne le rêve américain - et particulièrement celui du cinéma indomptable, celui qui prend pied en Arizona - comme un gant, pour en montrer le revers onirique, il reste un film à demi fou, trop prudent pour s’enfoncer dans le rêve et empruntant ceux des autres.

Il y a des morceaux de bravoure, réalisés de façon époustouflante, une musique mémorable, et quelques symboles qui flèchent le parcours avec insistance - le poisson, la tortue, l’envol, le cinéma, la Cadillac...

Quand Emir Kusturica aura fini d’expirer une synthèse imaginaire de rêves, il deviendra un cinéaste inspiré, et nous aurons envie de parler de lui plus que tout autre.

Philippe Piazzo
Jeune Cinéma n°219, janvier 1993

Arizona Dream. Réal : Emir Kusturica ; sc : E.K., David Atkins ; ph : Viko Filac ; mont : Andrija Zarfranovic ; mu : Goran Bregovic, Iggy Pop. Int : Johnny Depp, Faye Dunaway, Jerry Lewis, Vincent Gallo, Lili Taylor, Michael J. Pollard (USA-France, 1992, 142 mn).