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Gondola (2023)
de Veit Helmer
publié le mercredi 24 juillet 2024

par Francis Guermann
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 24 juillet 2024


 


Gondola est le nom d’une compagnie qui gère un antique téléphérique reliant un village de montagne à une petite ville d’une vallée géorgienne. Deux cabines font ainsi des allers-retours et se croisent dans les airs. Un homme d’un certain âge en assure le fonctionnement mécanique et une jeune femme, Nino, en tenue d’hôtesse, accueille les rares passagers. Après le décès de l’autre agent d’accueil, sa fille Iva est embauchée pour le remplacer.


 


 

Les deux jeunes femmes sympathisent, se lancent des défis ludiques au gré de leurs croisements dans les airs et se rendent utiles auprès des villageois auxquels elles apportent une aide permise par leurs voyages au-dessus de la vallée, comme déposer, grâce à des cordes, des paniers de victuailles dans les champs où ils travaillent. Elles résistent aussi aux empressements de leur patron, homme seul et jaloux qui cherche une compagne. Une amitié amoureuse naît entre elles, d’abord contrariée par le projet de Nino de devenir hôtesse de l’air et de quitter la vallée, puis qui va s’affirmant au point d’envahir toute leur vie, en dépit et au désespoir de leur patron.


 


 

Gondola est un film sans parole, léger et tendre. Les interprètes miment plus qu’ils ne jouent, dans une atmosphère tantôt burlesque, tantôt romanesque. Dans cette unité de lieu originale qu’est ce téléphérique perdu dans la campagne géorgienne où tout se déroule, se mêlent un monde de traditions ancestrales et la survenue d’une jeunesse moderne et libre. Film écolo, un peu queer, portant un regard fraternel sur l’humanité, poétique et sans réalisme aucun, il se laisse voir avec plaisir et nous ramène à un cinéma des origines, dans une certaine recherche de l’innocence, des personnages enfantins et des situations pleines de charme et de fantaisie. On pense à la fois à Charles Chaplin et à Jacques Tati. Si la fin revêt un aspect de catastrophe burlesque (la cabine hors de contrôle s’écrase contre le bâtiment du téléphérique), l’épilogue s’ouvre sur l’amour de deux enfants malicieux qui semblent prendre la relève de Iva et Nino. Les deux interprètes Mathilde Irrmann et Nini Soselia y sont parfaites en jeunes femmes candides mais décidées que leur amour pousse à bousculer le monde et résister à toute injonction.


 


 

Le réalisateur allemand Veit Helmer est un habitué des films sans paroles : Tuvalu (1999), Absurdistan (2008) et The Bra (2018). Cela lui a permis de créer des univers poétiques et d’employer des actrices et des acteurs de pays différents sans contrainte de langues. Cela ouvre aussi, pour qui voudrait le voir, sur une légèreté et un universalisme bienvenus en ces temps de retour aux nationalismes et de repli sur soi.


 


 

Veit Helmer a été un élève de Wim Wenders à Munich. C’est ce dernier qui l’a poussé, dans le cadre du centenaire du cinéma, à écrire un scénario dans lequel il rend hommage aux frères Skladanowsky, autres inventeurs du cinéma, un peu oubliés (1). Depuis, il poursuit cette veine originale qui mêle un retour aux films sans paroles à des préoccupations tout à fait actuelles (ici la liberté amoureuse). Et même si Gondola manque visiblement de moyens dans quelques scènes d’action maladroites, c’est un film qui fait du bien.

Francis Guermann
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Max et Emil Skladanowsky sont les créateurs du Bioskop en Allemagne. Ils ont projeté leurs premiers films début novembre 1895, soit deux mois avant les frères Lumière.


Gondola. Réal, sc : Veit Helmer ; ph : Goga Devdariani ; mont : Iordanis Karaisaridis ; mu : Malcolm Arison & Soley Stefansdottir. Int : Mathilde Irrmann, Nini Soselia, Niara Chichinadze, Zviad Papuashvili (Allemagne-Géorgie, 2023, 82 mn).



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