À Paris, hier soir, vendredi 26 juillet 2024, a eu lieu, sur la Seine, entre le Pont d’Austerlitz et le Pont d’Iéna, devant un public stoïque et enthousiaste, sous une pluie battante dans les tribunes ou sur les quais, la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024, 85 bateaux, 205 délégations, 7000 athlètes. Un dispositif inédit, ordinairement les cérémonies d’ouverture ont lieu dans des stades.
D’abord la Grèce, ensuite les réfugiés, puis les pays dans un ordre alphabétique aux critères parfois ondoyants, la France pays d’accueil fermant le défilé, juste après l’Australie (JO de 2032) et les USA (JO de 2028). La dernière fois, à Paris, c’était il y a cent ans, en 1924 (1).
Ils vont durer du 26 juillet au 11 août 2024. Ils seront suivis par les Jeux paralympiques du 28 août au 8 septembre 2024 (2).
Quels que soient les a priori, il fallait regarder (sur les chaînes du service public) cet événement dans sa version diffusée (3), tel qu’il nous a été vendu depuis des semaines, porteur des valeurs de la France, pays des droits de l’Homme, où a eu lieu la grande Révolution, et qui n’a jamais été fasciste. Il fallait aussi observer en direct cette fête équivoque, revendiquée par un gouvernement démissionné, et organisée par un Comité international olympique (CIO) opaque.
En définitive, au fur et à mesure que la nuit tombait, et que la pluie inondait les humains, les pianos, les tapis des performances, force est de constater qu’elle ne fut pas si ennuyeuse qu’on pouvait le craindre. Hétéroclite certes malgré le découpage par secteurs - liberté, égalité, fraternité -, et aussi sororité, obscurité, éternité...
Il y a eu des artistes admirables, une playlist musicale pas du tout honteuse, des références comme des blagues privées françaises, et quelques belles idées de mises en scène et de chorégraphies pas seulement décoratives, le travail sur Notre-Dame, 10 femmes puissantes surgies de l’eau, ou des tas de Marie-Antoinette, avec leur tête dans le bras, aux fenêtres de la Conciergerie.
Il y a eu, bien sûr, aussi, d’inévitables n’importe quoi ridicules, quasiment "placement de produit", inhérents à la société spectaculaire, "démocratique" et capitaliste qui l’a concoctée. Sans compter les commentaires niais des journalistes, qui, de surcroît, parlaient tous des acteurs qui "remontaient" la Seine, ignorant l’amont et l’aval.
Ce qui fut vraiment touchant, c’est la longue théorie des pays qui se succédaient sur le fleuve, des bateaux chargés de sportifs joyeux. Et cela, dans Paris la belle, toute chargée d’une Histoire édifiante, à défaut d’être toujours exemplaire. Sauf la Russie et la Biélorussie, on avait là un échantillon de Terriens de bonne volonté, qui semblaient préférer le sport à la guerre, instillant, dans les esprits indulgents, une esquisse de sentiment de "citoyenneté du monde".
Il y eut, avec la garde républicaine, la chanteuse Aya Nakamura dénigrée par les fascistes de nos élections récentes, la délégation algérienne qui a jeté des roses dans la Seine pour commémorer le 17 octobre 1961, le miracle d’une délégation palestinienne, et la délégation israélienne qui a été abondamment sifflée, même si la musique en a recouvert le bruit à la télé. Ce qui n’était pas vraiment pertinent, il ne faut jamais oublier qu’il y a, en Israël, une opposition et même une gauche.
On a admiré aussi les illuminations de la Tour Eiffel, plus élégantes que d’habitude, et la montgolfière, qui, pendant toute la période des JO, sera lumineuse dans le ciel la nuit, et le jour, au sol, visitable dans le jardin des Tuileries.
Cela dit, bien que louée par le monde entier, Céline Dion ne fait vraiment pas le poids, comparée à Édith Piaf. Et son "l’Hymne à l’amour", s’est évaporé loin de nos émotions.
Cette soirée fut, malgré tout, un instant, une version lumineuse du genre humain, une sorte de trêve olympique sinon politique, "humanitaire", même si parfaitement illusoire, consolatrice, analogue au rôle des comédies musicales pendant les grandes crises économiques.
Espérons que ce ne sera pas la dernière avant l’effondrement climatique qui nous guette.
Le champion olympique d’équitation, admiré de tous sur son cheval mécanique, plus que comme une vague Jeanne d’Arc, pouvait parfaitement apparaître comme un des quatre cavaliers de l’Apocalypse.
par Anne Vignaux-Laurent
Jeune Cinéma en ligne directe
1. 1924, le Paris des Jeux olympiques de Marie-Laurence Rincé (2024).
Le film est disponible en replay sur TV5 jusqu’au 5 août 2024, et sur Public Sénat jusqu’au 22 juin 2027.
2. Jeux olympiques Paris 2024 ; Jeux paralympiques Paris 2024
3. En replay sur France2, jusqu’au 31 décembre 2024.