par Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°431-432, octobre 2024
En ouverture au Festival du film francophone d’Angoulême 2024
Sortie le mercredi 18 septembre 2024
Le Maire de la commune de Paimpont (en Bretagne, près de la forêt de Brocéliande), paternellement jovial, peaufine son discours d’accueil de la famille ukrainienne attribuée à la Ville par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Les habitants se préparent avec intérêt et curiosité. Seul le militant "identitaire", Hervé (Laurent Lafitte) guette les opérations en ruminant sa riposte et en mobilisant quelques auxiliaires.
L’arrivée d’une famille d’intellos syriens déclenche des réactions en chaînes plus ou moins coordonnées ou inattendues dans les relations sociales du village. Toutes sortes de répercussions méfiantes ou bienveillantes s’ensuivent qui aboutissent à un remodelage culturel du village.
Bien sûr, on peut repérer quelques approximations du scénario qui ne permettent pas de classer ce film comme un "documentaire". Des Syriens ne diraient pas "gâââlettes" mais "galêêêttes". L’architecte ne prélèverait probablement pas une rasade de cacahuètes au distributeur même si c’était usuellement en libre-service en Syrie, il porterait plutôt son attention à la séquence d’accueil en cours. Le grand père serait le vénérable chibani, pas un vieux poète fantaisiste. Le petit avouant un sabotage de canalisation pour éviter de retourner en Syrie aurait plutôt cherché à éviter des sanctions aux siens…
Mais l’institutrice lourdement bienveillante (Julie Delpy), la fidèle épouse du fasciste (Laurent Lafitte) qui revendique efficacement, la crêpière qui s’arrange avec le grand-père, la tenancière de supérette faussement fiable (Sandrine Kiberlain) avec son époux ambigu, le maire qui parle avec aisance et indifférence, et, partout, les reporters-filmeurs, tous sont "normaux" et perfectibles sous l’œil de la cinéaste.
À la fin le spectateur s’attend à ce que la livraison de vrais Ukrainiens soit encore remplacée par un dépôt d’Iraniens ou d’Afghans …voire d’Africains, mais là, le village serait prêt. Ce qui est marrant c’est que chaque infléchissement de l’état d’esprit des habitants est familier aux spectateurs.
Le film est une comédie en 5 actes, aux têtes de chapitres illustrées de peintures épiques, orchestrées par Mozart ou Beethoven. Julie Delpy prélève un échantillon représentatif de la société française pour observer en sociologue les bienfaits d’un localisme bien compris. C’est un film bien sympathique.
Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°431-432, octobre 2024
Les Barbares. Réal : Julie Delpy ; sc : J.D., Lea Domenech, Matthieu Rumani & Nicolas Slomka ; ph : Georges Lechaptois ; mu : Philippe Jakko ; mont : Camille Delprat ; déc : Quentin Millot ; cost : Amandine Cros. Int : Julie Delpy, Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, Ziad Bakri, Jean-Charles Clichet India Hair, Dalia Naous, Mathieu Demy, Brigitte Roüan, Monsieur Fraize, Fares Helou, Émilie Gavois-Kahn, Albert Delpy (France, 2024, 101 mn).