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Graines du figuier sauvage (les) (2024)
de Mohammad Rasoulof
publié le mercredi 18 septembre 2024

par Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°429, été 2024

Sélection officielle en compétition du Festival de Cannes 2024
Prix spécial du jury

Sortie le mercredi 18 septembre 2024


 


Il faut rester discret parce que c’est un statut exposé, mais Iman annonce à sa femme Najmeh cette bonne nouvelle : il vient d’être promu juge d’instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran, ce qui lui vaudra une carrière stable et un logement de fonction, avec une chambre individuelle pour chacune de ses deux filles.


 


 

Il aime l’ordre et, pas plus que sa femme, n’a de sympathie pour ces excitées qui revendiquent le droit de se balader à poil et dont les gesticulations s’amplifient, avec quelques dégâts : une amie des filles a été gravement blessée à la fac, ce serait très mal vu de la soutenir. Iman est perturbé en découvrant que dans sa nouvelle fonction, il doit suivre les consignes du procureur qui requiert directement des peines de mort pour des manifestants : séparation des fonctions, mais pas des pouvoirs. Il peut faire condamner à mort un manifestant, mais pas un fonctionnaire qui comme lui se serait fait piquer son arme de service, ou dont la loyale épouse se serait enquis du sort d’une jeune fille éborgnée. L’inquiétude monte, ça se corse. L’intrigue se développe, on rigole sur un rebondissement inattendu...


 


 


 

Comme souvent, dans les films iraniens, l’espace privé est un lieu d’échanges. Rezvan et Sana sont rivées à leurs téléphones, reçoivent des vidéos de la rue, et discutent assez librement avec leur père : "Tu ne vois rien parce que tu es dans le système".


 


 

Ce point de vue familial pour capter la résonance de la sujétion politique et du climat social reste quand même dans le domaine de ce que le régime ne peut éradiquer. Les graines du figuier sauvage se répandent et poussent partout, jusqu’à étouffer la végétation antérieure et les mauvaises herbes. Comme le pense le cinéaste, le renouvellement du paysage pourrait émaner des femmes.


 


 

Mohammad Rasoulof n’a pas été pendu, il a juste été emprisonné avec ses collaborateurs et privé des moyens de travailler. À Cannes, à sa conférence de presse, sur le tapis rouge et au rang I, il a constamment sorti de sa poche intérieure gauche les photos de deux de ses comédiens, Missagh Zareh et Soheila Golistrani, retenus en Iran, alors que lui a réussi à s’échapper. Évidemment, le soutien international est très important, mais c’est la qualité du film qui lui a valu le Prix spécial du jury.

Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°429, été 2024


Les Graines du figuier sauvage (The Seed of the Sacred Fig). Réal, sc : Mohammad Rasoulof ; ph : Pooyan Aghababaei ; mont : Andrex Bird ; mu : Karzan Mahmood. Int : Missagh Zareh, Soheila Golestani, Mahsa Rostami, Setareh Maleki, Niousha Akhshi, Reza Akhlaghirad, Shiva Ordooie (Allemagne-France, 2024, 168 mn).



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