Viêt et Nam sont mineurs de fonds, dignes et nobles, sous leurs masques de charbon. Ils travaillent à mille mètres de profondeur et tout est noir : la poussière, la mer, le ciel, la terre….

Un amour pudique les unit, comme leur détermination à retrouver les traces du père que Nam n’a pas connu, disparu pendant la guerre. Ils essayent de reconstituer son passé, inspirés par un vieux chamane, ils interrogent les villageois qui se souviennent. Ils suivent leurs indications, cherchent, repèrent, creusent, fouillent… Il y a eu tant de morts, les dépouilles se ressemblent, mais on peut retrouver des objets personnels. Les spectateurs aussi se souviennent. De quel côté était le père ? La mère de Nam, elle, est restée au Vietnam.

On comprend cette impérieuse mission mémorielle de Nam et l’aide de Viet, et leur persévérance. Mais, faute d’information précise sur le lieu précis de l’histoire - quelle frontière ? Quel est ce fleuve ? -, on déchiffre moins la nécessité du départ de Nam qui semble justifier l’urgence de leur quête. Peut-être est-ce surtout un film sur la mélancolie de l’irréversible départ des exilés ? Leur faut-il reprendre la mer dans ce container qui évoque ce camion frigorifique qui avait amené 39 migrants vietnamiens à Londres en 2019 sans les débarquer… ?

C’est un film lent et incertain. Le spectateur peut décrocher mais c’est un film dont on se souvient. En 2022, Tru’o’ng Minh Quy a fait partie de l’Atelier de la Cinéfondation (créée en 1998), qui a pour but, depuis 2005, de sélectionner chaque année à travers le monde une quinzaine de projets de longs métrages et invite leurs réalisateurs à Cannes pour les mettre en contact avec des professionnels.

Il appartient à la jeune génération de cinéastes vietnamiens (doit-on dire "d’origine vietnamienne" ?) comme Pham Thien An qui a remporté la Caméra d’or à Cannes en 2023 pour L’Arbre aux papillons d’or. Aucun de ses comédiens n’était professionnel, mais on peut dire qu’ils le sont presque devenus par leur travail intensif, leurs entrainements et les répétitions de plusieurs mois.

Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°430, été 2024

Viêt & Nam. Réal, sc : Minh Quý Trương ; ph : Son Doan ; mont : Félix Rehm. Int : Thanh Hải Phạm Bảo Định Đào Duy Thị Nga Nguyễn Tụng Lê Viết (Vietnam-Philippines-Singapour-France-Pays-Bas-Italie, Allemagne-USA, 2024, 128 mn).