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Rendez-vous d’Anna (les) (1978)
de Chantal Akerman
publié le mercredi 25 septembre 2024

par Fabian Gastellier
Jeune Cinéma n°115, décembre 1978

Sélection du Chicago International Film Festival 1978

Sorties les mercredis 8 novembre 1978 et 25 septembre 2924


 


Trains de nuit, gares sinistres, chocs permanents des rails, visites nocturnes de trois pays en crise économique (l’Allemagne, la Belgique, la France) : voilà planté le décor du quatrième long métrage de Chantal Akerman, Les Rendez-vous d’Anna.


 


 


 

Qui est Anna et que nous dit-on d’elle ? Peu de choses : une vie présentée à partir de ses absences, de son côté neutre, une vie en négatif. Anna est cinéaste, elle voyage. Chantal Akerman a pris soin de gommer dans cette activité tout ce qui pouvait y être positif, et laisse Anna en errante. À la fois absente et présente, elle traverse des villes en somnambule, rencontre des gens et croise des destinées. On lui parie, elle répond à peine, sur un ton monocorde, très Delphine Seyrig. Qu’est-ce donc qu’Anna ? Une névrosée ? Un être en dépression grave dont on va suivre la chute libre ? Le révélateur secret du malaise des autres (ceux qui lui parlent se confient et se confessent littéralement) ? Peut-être, peut-être pas. Elle est, en tout cas, une femme en état de non-vouloir absolu. Une femme qui ne peut plus. Ni avancer, ni reculer, ni accepter, ni refuser.


 


 


 

L’incommunicabilité est un vieux thème. Rabâché, ultra connu. Mais passionnant aussi. On peut le refuser, lui être hostile et considérer que ce n’est qu’une conduite facile, confortable voire réactionnaire. Dans ce cas, Les Rendez-vous d’Anna apparaîtront comme un domaine trop visité, sans intérêt, vain et vaniteux. On peut, au contraire, être passionné par l’incommunicabilité, comme un mal du siècle, bien que l’expression soit très "parisienne" : ce n’est quand même pas pour rien que les grandes préoccupations artistiques contemporaines vont vers la mise à nu d’un climat d’échec ressenti à tous les niveaux - cf. le théâtre de Patrice Chéreau et le cinéma de Wim Wenders. D’où une renaissance fabuleuse de l’anti-héros : celui qui trimbale sa silhouette sans trop savoir qu’en faire. Un peu Anna, peut-être. C’était là tout l’espoir que l’on pouvait investir dans la dernière réalisation de Chantal Akerman. Car il faut bien avouer la lourde déception. Il n’y a pas, dans ce film, l’éclat de sensibilité déchirée qu’on peut voir chez Wim Wenders ou même chez Peter Handke. Ce portrait d’une désespérance quotidienne à visage humain paraît fabriqué à partir de procédés qui relèvent de la dernière mode (voix neutres, comportements statiques, caméra immobile et passive, etc.). Dès lors, plus rien ne paraît juste ; tout semble calculé, manipulé, faux. D’une certaine façon, on comprend ce que Chantal Akerman aurait voulu nous dire, mais il y a comme un second écran qui s’interpose entre l’image et le spectateur, empêchant toute communication entre le film et son public.


 


 


 

Cela dit, peut-être est-ce justement cela, le début du film ? À savoir : que le spectateur ne se sente pas concerné - de la même façon que l’héroïne -, qu’il se sente étranger au monde dont on lui parle. Avec, en plus, l’amère impression qu’on se paye sa tête. Mais, dans ce cas, l’expérience tourne à vide et la boucle se boucle. Chantal Akerman aura demandé des crédits et de la pellicule pour nous expliquer qu’elle n’a rien à nous dire. On ne l’avait pas attendue pour être face à ce genre de constat, et le talent de ceux qui l’ont précédée (Wim Wenders, Peter Handke) nous rend intolérable ce film qui n’apporte rien, sauf, peut-être, un souffle de prétention dont on pouvait se passer.

Fabian Gastellier
Jeune Cinéma n°115, décembre 1978


Les Rendez-vous d’Anna. Réal, sc : Chantal Akerman ; ph : Jean Penzer ; mont : Francine Sandberg ; déc : Philippe Graff & André Fonteyne Loyotte. Int : Aurore Clément, Helmut Griem, Magali Noël, Lea Massari, Hans Zischler, Jean-Pierre Cassel (Allemagne-Belgique-France, 1978, 127 mn).



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