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Apprentice (the) (2024)
de Ali Abbasi
publié le mercredi 9 octobre 2024

par Patrick Saffar
Jeune Cinéma n°430, été 2024

Sélection officielle en compétition du Festival de Cannes 2024

Sortie le mercredi 9 octobre 2024


 


Passée l’admiration devant le professionnalisme de l’interprétation de Sebastian Stan dans la peau (alors intacte) de Donald Trump jeune et, dans une moindre mesure, devant le jeu de Jeremy Strong dans le rôle de l’avocat / âme damnée du politicien, passée la qualité du "rendu" de l’époque (essentiellement les années 1970), on est en droit de s’interroger sur l’utilité d’un film consacré à l’ascension d’une figure aujourd’hui "incontournable" (jusqu’à quand ?) qu’une espèce de curiosité à rebours inciterait à vouloir mieux connaître.


 


 

Qu’est-ce que The Apprentice nous donne à voir en effet, si ce n’est une série d’images venant d’avance étayer les opinions que le spectateur éclairé s’est déjà formé sur le personnage ? Quitte à dresser le "portrait psychologique" du magnat de l’immobilier, la plongée dans le passé opérée par le film pourrait même s’avérer plus pertinente (c’est son hypothèse) que ce que nous savons (ou devinons) aujourd’hui.


 


 

Le film se voudrait à la fois contemporain du jeune Trump et du temps actuel, et on soupçonne cet arc temporel, sous lequel de l’eau a bien coulé, de recourir à certains anachronismes, voire à une attitude téléologique. Les paroles de Donald Trump sonnent alors comme autant de prophéties de lui-même (sur la violence nécessaire en politique, sur le déni souhaitable à l’égard des accusations…), tandis que la gestuelle de Sebastian Stan se constitue en autant de petits blasons validés par avance (mèche remise en place, bouche en cul-de-poule…).


 


 

Ceux qui sont supposés savoir, ce sont bien sûr le cinéaste et son scénariste (Ali Abbasi, Gabriel Sherman) qui, dès l’ouverture du film, semblent annoncer la couleur. The Apprentice débute par une image noire, sur laquelle on entend une voix qui assène ses vérités, et qu’on est d’ailleurs en droit de prendre comme étant celle de Trump. Puis apparaît à la télé un visage, celui de Richard Nixon, dont le spectateur contemporain connaît les mensonges. Le "procédé" opéré par le film ne tendrait-il pas à faire se superposer (le premier annonçant le second) le visage de Nixon à celui de Trump : grâce The Apprentice, les contre-vérités apparaissent comme telles, alors qu’elles ne sont en fait que cautionnées par ce que nous savons déjà de Trump. D’où l’inconfort qui naît de ce film trop confortable.

Patrick Saffar
Jeune Cinéma n°430, été 2024


The Apprentice. Réal : Ali Abbasi ; sc, dial : Gabriel Sherman ; ph : Kasper Tuxen ; mont : Olivier Bugge Coutté & Olivia Neergrad-Holm ; mu : Martin Dirkov. Int : Sebastian Stan, Jeremy Strong, Maria Bakalova (Canada-Danemark-Irlande, 2024, 120 mn).



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