par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe
Sélection officielle du Festival de Locarno 2023
Sortie le mercredi 30 octobre 2024
Après cinq courts-métrages et une résidence au festival Premiers Plans d’Angers entre autres, le cinéaste franco-suisse Hugues Hariche, basé aux États-Unis livre son premier long-métrage, Rivière, un nom de famille brandi comme une oriflamme mais qui évoquerait plutôt le temps qui coule car, ainsi que l’a gravé dans la mémoire collective Héraclite : "On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve". C’est ce que découvrira nolens volens la jeune Manon, dix-sept ans, en quittant les montagnes suisses pour Belfort à la recherche de son père, devenu introuvable.
En formant de nouveaux liens et en retrouvant son premier amour, elle aimerait, avec son air bougon et têtu, suivre le chemin qu’elle a entrepris bon an mal sur la glace : devenir une joueuse de hockey professionnelle. Le film débute d’ailleurs sur cette scène quasi originelle : elle, endormie sur la glace de la patinoire de son ancien village après un voyage de routarde, sac à dos et autostop, comme pour une sortie du placenta, une re-naissance. Après un tel incipit, le film s’enlise un peu dans la neurasthénie et la routine. Filmé dans des couleurs passées évoquant sans doute le froid et la "nostalgie de l’avenir" - concept lumineux attribué avec justesse à Marcello Mastroianni -, le réalisateur n’a pas de mal à évoquer le difficile passage de la chenille au papillon.
Avec son air sage et buté, Manon est excellement interprété par Flavie Delangle, à qui Sarah Brahms donne la réplique pour un duo légèrement lesbien, qui ne s’imposait pas mais qui a dû sans doute être exigé par le cahier des charges de la production franco-suisse. Le traitement du film semble hésitant par moment et trop de détails restent dans l’ombre pour un spectateur qui ne serait pas assez attentif. On n’en retiendra qu’une impression un peu laborieuse, peut-être incontournable pour un premier long-métrage sans doute prometteur, mais surtout assez désespérée même si les souffrances endurées par le personnage principal ne paraissent pourtant pas insurmontables.
Bien sûr, les jeunes du film, qui ne sont plus vraiment des adolescents, traversent des moments difficiles que ce soit dans leur vie personnelle ou sportive, mais qui ne sont pas nécessairement vraiment tragiques. Ou alors, le film ne nous le fait pas assez bien ressentir. Ainsi, la jeune patineuse, Karine, qui ne cesse de chuter sur la glace pour un impossible salto, se montre agressive envers ses camarades et sa mère, et elle tentera de mourir en risquant de rester paralysée, ce qui serait le pire pour une sportive. Cette séquence est assez attendue, mais un peu maladroite dans sa direction d’acteurs.
On l’aura compris, le réalisateur désire brosser un tableau, même assez confus, des sentiments humains à travers l’histoire du retour au pays d’une jeune fille. Son autre ambition consistait aussi à filmer les corps des sportifs, notamment le travail des patineuses, mais aussi celui des hockeyeurs. Certes, Manon entre dans une équipe masculine - le spectateur pourrait se poser ingénument la question de la véracité de cette situation -, et va, bien sûr, y exceller après maints efforts. "Le hockey sert de miroir à l’histoire de Manon. Ce sport d’équipe, où chacun doit s’intégrer et s’engager dans la vitesse, l’évasion, les collisions corporelles, les échappées et les actions brutales, résonne avec sa personnalité" nous dit Hugues Hariche.
Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe
Rivière. Réal : Hugues Hariche ; sc : H.H. & Joanne Giger ; ph : Joseph Areddy ; mont : Nicolas Desmaison ; mu : Nicolas Rabaeus ; déc : Yannis Borel ; cost : Éléonore Cassaigneau. Int : Flavie Delangle, Sarah Bramms, Camille Rutherford, Till Clémence, Claude Fugère, Guillaume Henry, Sabine Timoteo (Suisse-France, 2023, 104 mn).