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Voyage à Gaza (2024)
de Piero Usberti
publié le mercredi 6 novembre 2024

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle du Festival de La Rochelle 2024

Sortie le mercredi 6 novembre 2024


 


Chez le jeune documentariste Piero Usberti, né en Toscane en 1992, la question palestinienne est affaire de famille. Dès son adolescence, il participe avec ses proches à des discussions et des rencontres liées au conflit israélo-palestinien. En 2018, tandis qu’il termine ses études à l’Université de Turin, son père, Gabriele Usberti, professeur à l’Université de Sienne, met sur pied un programme Erasmus avec deux universités de Gaza. Le fils est fasciné par le récit du voyage du père en Palestine, par ce qu’il lui raconte "des gens, de la vie quotidienne, de la lumière et du vent".


 


 

Usberti fils n’est ni journaliste, ni photoreporter. Voyage à Gaza n’a pas non plus de dimension militante explicite. "Nous sommes en 2018. J’ai 25 ans et je suis un voyageur étranger. Je rencontre de jeunes Palestiniens de mon âge", dit-il en voix off. Cette même année, il fait deux séjours dans la bande de Gaza. Il y passe trois mois et y collecte des images et des interviews. Il opère seul, dans de grandes difficultés, soutenu par quelques relations établies par son père. "Sans eux, explique-il, l’œuvre n’aurait peut-être pas existé".


 


 


 

Il accumule 45 000 mètres de rushes qui lui prendront plusieurs années à monter. Son film est indépendant et d’un subjectivisme assumé. Il est abouti en 2023, quelques jours avant l’attaque du 7 octobre. La bande son est aussi la sienne. Son commentaire, s’il est vibrant, est dénué d’emphase et de langue de bois. Il a pensé au film de Chris Marker & Pierre Lhomme, Le Joli Mai (1963). Comme eux, il donne la parole aux autres, en l’occurrence aux Gazaouis.


 


 


 

Voyage à Gaza n’use que d’une image d’archive illustrant la Nakba ("la Catastrophe") autrement dit l’exil, en 1948, des familles forcées de quitter leur terre. Piero Usberti préfère capter l’actualité, la "Marche du retour", et la série de manifestations pacifiques de mars 2018, dénonçant le blocus israélien et réclamant le droit au sol des réfugiés. En ouverture de son film, il suit les funérailles d’un journaliste palestinien de 27 ans, Yasser Mortaja, tué par un tir de l’armée israélienne. Gaza n’est pas seulement un endroit où l’on meurt. C’est un lieu d’une grande beauté, plein d’énergie et de vie, à l’instar de celles des jeunes gens de sa génération.


 


 


 

Peu de personnes d’âge mûr apparaissent à l’écran. Aucun porte-parole, simplement des amis. Nous découvrons Sara, membre d’une organisation humanitaire ; Mohamad, grand lecteur de Marx ; Jumana, future avocate... Par leur intermédiaire, le réalisateur peut rencontrer d’autres témoins. Les entretiens sont souvent teintés d’humour. Ne disposant que de quatre heures d’électricité par jour, une interlocutrice ironise : "Chez nous, la lumière danse".


 


 


 

La séquence finale est bouleversante. La caméra cadre tour à tour le visage de deux frères blessés par balles aux jambes qui répondent aux questions du cinéaste. Leur discours ne traduit aucune haine. Ils réfutent d’ailleurs toute allégeance au Hamas. "En quoi suis-je un terroriste ? Je me rends sans arme aux manifestations". Tous deux réclament de quitter cette "prison à ciel ouvert". Le tableau poétique et politique qu’est Voyage à Gaza est déjà, par la force de l’histoire, un film du passé.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe


Voyage à Gaza. Réal, ph, mont : Piero Usberti (France-Italie, 2024, 68 mn). Documentaire.



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