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Lefrère, Jean-Jacques (1954-2015)
Une vie, une œuvre
publié le lundi 20 avril 2015

par Lucien Logette
Jeune Cinéma en ligne directe

La disparition, le 16 avril 2015, à 60 ans, de Jean-Jacques Lefrère est venue clore une semaine déplorable.

Tous les amateurs de la littérature française des deux derniers siècles le connaissaient, depuis ses savants ouvrages sur Rimbaud, et sa biographie de Lautréamont (1), extraordinaire travail de bénédictin qui reconstituait, en 690 pages, les vingt-quatre années de la vie d’Isidore Ducasse.

S’il était érudit, et de l’espèce la plus parfaite, il n’y avait rien chez lui d’universitaire, au sens étroit : ni doxa ni jargon. Mais une langue acérée dont il faisait un usage grandiose : ses chroniques de La Quinzaine littéraire, dont il fut longtemps un collaborateur régulier, constituaient une salutaire entreprise de démolition des faux spécialistes, des pilleurs d’épaves et des recopieurs de thèses qui prolifèrent dans le milieu.

Mais ses centres d’intérêt ne se bornaient pas aux deux phares des années 1870.

Jules Laforgue, Pierre Louÿs, et des personnalités aussi peu fréquentées que Louis-Pilate de Brinn’ Gaubast (2) ou Lemice-Terrieux (3) furent quelques-uns de ses objets de recherche (ce dernier ouvrage avec Jean-Paul Goujon, autre érudit considérable).


 

Et la revue trimestrielle Histoires littéraires, qu’il avait fondée, avec Michel Pierssens, en janvier 2000, fait depuis quinze ans le régal de ses lecteurs. (4)


 

Mais tout ceci était la face Dr. Jekyll de Jean-Jacques Lefrère, docteur ès lettres.
Côté Mr. Hyde, le professeur Lefrère était docteur en médecine, docteur en biologie et directeur général de l’Institut national de la transfusion sanguine.

Aussi prolifique en publications scientifiques qu’en ouvrages littéraires.

Preuve qu’à l’image d’Henri Mondor, jadis chirurgien de haut niveau et biographe de Mallarmé, il subsiste de brillants médecins capables de sortir de leur spécialité.

L’annonce de son décès, dans le carnet du Monde, s’achève ainsi : "Le Médecin de Rimbaud" laisse une place difficile à combler. Certes.

Pour tout le monde, les hématologues comme les participants du colloque des Invalides, ce conclave savoureux qui rassemble chaque année les esprits tordus, la sensation de manque n’est pas près de s’éteindre.

Lucien Logette
Jeune Cinéma en ligne directe (avril 2015)

1. Jean-Jacques Lefrère, Isidore Ducasse, auteur des Chants de Maldoror par le comte de Lautréamont, Fayard, 1998.

2. Louis-Édouard-Léon Pilate, dit Louis-Pilate de Brinn’Gaubast, précepteur des enfants d’Alponse Daudet.
Cf. : Le Journal inédit de Louis-Pilate de Brinn’Gaubast. Témoignage sur Alphonse Daudet. Document sur l’affaire du vol du manuscrits des Lettres de mon moulin, (préface et notes de Jean-Jacques Lefrère), éditions Horay, 1997.

3. Paul Masson, dit Lemice-Terrieux (1849-1896), grand activiste de farces et attrapes. Cf. le blog Locus Solus.
Cf. Jean-Jacques Lefrère et Jean-Paul Goujon, Mystifications au 19e siècle. Paul Masson, un homme de lettres non recommandées, Tusson, éditions du Lérot, 2012.

4. Histoires littéraires  : Dernier numéro paru, le n°61, de janvier-février-mars 2015, avec un dossier consacré à Georges Fourest.


 

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