par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe
Sélection de la Quinzaine des cinéastes au Festival de Cannes 2024
Sortie le mercredi 13 novembre 2024
Comme tout bon film indépendant américain, Good One est impeccable dans sa facture et son interprétation. Minimaliste à souhait, il déroule son absence de trame et tisse sa toile durant l’heure et demie réglementaire, sans grande surprise, mais sans grande déception non plus. Quasi mutique, surtout en ce qui concerne le personnage principal féminin, ce huis clos de trois personnages dans un trip de trois jours dans la forêt nord-américaine, met en scène de manière maîtrisée le mode de vie et de pensée d’une famille libérale, avec ses erreurs et ses fantasmes, notamment celui du vivre-ensemble et de l’obligation de s’aimer, ou de faire comme si.
L’histoire est simple en apparence et compliquée dans son déroulement. Sam, 17 ans, préfèrerait passer le week-end avec ses amis, mais elle accepte de suivre son père, Chris, dans la région montagneuse des Catskills, dans l’État de New York. Un endroit paradisiaque où Matt, l’ami de toujours de Chris, est hélas également convié. Elle aurait dû adopter l’attitude de son demi-frère qui a décidé, au dernier moment, de ne pas faire partie du voyage. Mais Sam, on l’appelle "The Good One", parce qu’elle est vraisemblablement la meilleure de la famille, celle qu’on qualifie souvent de "bonne pâte". Mais, au fil de leurs pérégrinations et de ses observations, la jeune fille, en apparence timide et serviable, va se transformer.
La réalisatrice, basée à Los Angeles, après trois courts métrages, se lance dans son premier long et c’est une belle réussite. Elle déclare volontiers "J’aime les fins qui ressemblent au début à quelque chose de nouveau". Il est vrai que c’est le cas de Good One, présenté à Cannes 2024 par la Quinzaine des Cinéastes. Il n’a rien obtenu, mais le film laisse une trace, un exploit à une époque où le cinéma n’a jamais été aussi prolifique. Et, sans être autobiographique, il renvoie sans doute beaucoup à la jeune réalisatrice, elle qui avoue appartenir aussi à une famille recomposée de huit enfants et avoir accepté ces trekks avec son père, rares moments qu’elle pouvait vivre avec lui. "J’envisage ce film comme un instantané, qui capture un moment intime, un simple week-end dans les bois lors duquel des relations seront affectées à jamais", dit-elle.
Mais le film ne se concentre pas seulement sur les relations entre les trois personnages qui vont devoir cohabiter et, en ce qui concerne le père et sa fille, partager la même tente. Sans afficher un féminisme appuyé, la réalisatrice fait discrètement remarquer que la tâche de Sam est assez lourde et variée : elle cuisine, nettoie, écoute, divertit, console. Même si elle éprouve une certaine satisfaction à être multitâches, sa préoccupation constante des autres finit par lui peser. Tandis que les tensions s’accumulent, un sentiment de claustrophobie s’installe et contraste avec les grands espaces dans lesquels les héros évoluent. Jusqu’au jour où, n’en pouvant plus de supporter les silences et les discussions sans fin, mais surtout une allusion presque grivoise et à peine voilée de l’ami de son père, Sam choisira symboliquement de s’enfuir, en donnant une leçon aux deux machos qui l’entourent. Un beau film, fin, discret mais efficace.
Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe
Good One. Réal, sc : India Donaldson ; ph : Wilson Cameron ; mont : Graham Mason ; mu : Celia Hollander. Int : Lily Collias, James Le Gros, Danny McCarthy, Sumaya Bouhbal (USA, 2023, 90 mn).