Bob Dylan dans la famille de l’Outlaw Music Festival
par Gérard Camy
Jeune Cinéma en ligne directe
Le premier Outlaw Music Festival est créé en 2016 à Scranton, en Pennsylvanie par la société productrice de concerts BlackBird Presents, en partenariat avec Willie Nelson. Ce spectacle se déroule à guichets fermés et devant son succès, les organisateurs décident de le pérenniser chaque année. Des musiciens tels que Chris Stapleton, Neil Young, Luke Combs, Van Morrison, ZZ Top, Eric Church, Bonnie Raitt, Sheryl Crow, Tyler Childers, Sturgill Simpson, The Avett Brothers et bien d’autres, vont se succéder une année après l’autre jusqu’à en faire le plus grand festival de musique itinérant d’Amérique du Nord. Les stars de la musique et le public communient pendant de longues heures dans un immense show à l’américaine, où les food-trucks, les bars à bière, les stands de souvenirs entraînent la foule dans un mouvement perpétuel… et pas seulement pendant les entractes.
Bob Dylan connait Willie Nelson depuis longtemps. Ils ont chanté ensemble pour la première fois en 1976, lorsque de dernier a été invité sur une étape de la Rolling Thunder Revue à Houston pour interpréter "Gotta Travel On". De loin en loin, ils coécriront la chanson "Heartland" en 1993, se retrouveront comme au cours de l’été 2004, où ils ont de nouveau joué ensemble dans les stades de baseball de ligue mineure à travers toute l’Amérique. En 2009, ils devaient réitérer l’expérience avec John Mellencamp. En 2017, Bob Dylan s’associe à l’Outlaw Music Festival pour quelques spectacles. Mais, en cette année 2024, il participe à toutes les dates. Ainsi, il est présent au One Spokane Stadium de Spokane dans l’État du Washington pour l’étape du 9 août 2024 de la tournée. J’y étais…
L’auteure-compositrice-interprète Brittney Spencer ouvre la soirée, puis le rockeur John Mellencamp interprète quelques-uns de ses tubes comme "Jack & Diane" et "Hurts So Good" ou encore "Small Town". Puis, Bob Dylan fait, à la suite de ses musiciens, son entrée, discrète comme toujours, sans mots superflus ni adresse au public. Il s’installe directement à son piano et commence d’emblée par un de ses tubes, "Rainy Day Women #12 & 35", présent sur son septième album Blonde on Blonde (1966), réorchestré pour l’occasion. Il va enchaîner seize autres morceaux, sans pratiquement laisser respirer le public qui a à peine le temps d’applaudir. Dès le deuxième, il nous gratifie d’un solo à l’harmonica pour "Shooting Star" (album Oh Mercy, 1990). Il nous en offrira deux autres à la fin de son concert avec "Simple Twist of Fate" (album Blood on the Tracks, 1975) et "Ballad of a Thin Man" (album Highway 61 Revisited, 1965) suscitant une réaction enthousiaste des spectateurs…
D’autres chansons de son répertoire se succèdent, toujours sans temps mort, et dans des orchestrations parfois revisitées avec bonheur, de "Love Sick" (album Time Out of Mind, 1997) à "I’ll Be Your Baby Tonight" (album John Wesley Harding, 1967) en passant par "Early Roman Kings" et "Soon After Midnight" (album Tempest, 2012), "A Hard Rain’s A-Gonna Fall" (album The Freewheelin’ Bob Dylan, 1963), ""Under the Red Sky" (album éponyme (1990), "Spirit on the Water" (album Modern Times, 2006) et "Can’t Wait" (album Time Out of Mind, 1997). Pour compléter ce programme varié aux orchestrations plus modernes, Bob Dylan revisite quatre tubes anciens d’autres chanteurs : "Mr Blue", interprété en 1959 par le trio de The Fleetwoods, "Six Days on the Road", la chanson country que Paul Davis a chanté pour la première fois en 1961, "Little Queenie" créé en 1972 par Chuck Berry & Stella Blue, chanté par The Grateful Dead en 1973. Enfin, il a repris "Things Have Changed", composé en 2000 pour le film Wonder Boys de Curtis Hanson (2000). Cette chanson groovy et enjouée, qui a remporté l’Oscar et le Golden Globe Award de la meilleure chanson originale, a marqué une évolution supplémentaire dans la carrière de Bob Dylan.
Au dernier accord plaqué sur les touches, Bob Dylan se lève, reste un court instant à côté du piano, tandis que les projecteurs s’éteignent, et il disparaît dans l’obscurité de la scène… "Waiting for Willie Nelson", dont Bob Dylan avait dit un jour : "Ce pionnier de la musique country hors-la-loi est comme un poète philosophe. Il va rapidement au cœur des choses. Il le dit et c’est fini. Il laisse les auditeurs y réfléchir. Son jeu de guitare est assez phénoménal et pourtant je ne vois jamais personne lui donner du crédit en tant que musicien".
De "Always on My Mind" à "Blue Eyes Crying in the Rain" en terminant par son cultissime "On the Road Again", Willie Nelson, 91 ans, accompagné de ses trois fils, surdoués de la guitare comme lui, égrène, pour le plus grand plaisir d’un public complètement acquis, quelques-unes de ses plus belles ballades… Et la liste est longue. La soirée s’achève dans une douce nuit américaine.
Gérard Camy
Jeune Cinéma en ligne directe