par Anita Lindskog
Jeune Cinéma en ligne directe
Sortie le mercredi 20 novembre 2024
Je vous écris du bout du monde. Il faut que vous le sachiez (Henri Michaux).
Dans un futur proche, aux alentours des années 2040, les conditions de vie sur la Terre se sont brutalement dégradées et le monde est devenu inhospitalier voire dangereux. Des zones semblent contaminées ou en guerre. Prisme, un petit groupe d’une dizaine de femmes et d’hommes ont trouvé refuge dans une ancienne bibliothèque, et de là ils communiquent avec le monde extérieur par le biais d’une station de radio-amateur. Pour la plupart d’entre eux, ils ne sont pas sortis depuis plusieurs années. Leur trésor, c’est ce poste de radio. Ainsi, de jour comme de nuit, ils diffusent, à l’attention d’auditeurs inconnus, sur la Radio Prisme, des chroniques, de la poésie, surtout de la musique mettant à l’honneur le swing, le jazz, la bossa-nova.
Un jour, en début 2045, à la faveur de la venue d’un homme ramené par le seul membre de la communauté qui se hasarde à sortir, ils apprennent qu’il existerait un lieu lointain, à 1000 km au sud, où la vie serait douce, la population pacifique et la nourriture abondante. Ils décident alors d’organiser une expédition héroïque vers ce territoire. Cela devient désormais la grande affaire de leur vie commune et la raison d’être de leur activité radiophonique.
Après un mois de préparation et une grande fête, l’équipe des pionniers au nombre de cinq se met en route le 9 avril 2045. Dotés d’un téléphone cellulaire, les pionniers donnent de temps à autre des nouvelles de leur périple qui est immédiatement relayé, suivi et narré sur les ondes par le groupe de la bibliothèque et ce jusqu’au jour où plus aucune nouvelle ne parvient…
Il s’agit du deuxième long métrage du cinéaste Simon Gillet, (1), qui, depuis 2016, travaille avec des acteurs atteints de troubles mentaux. Le film en noir et blanc a été tourné en 4/3. Ce clin d’œil en référence au cinéma lointain des origines renforce la touche d’étrangeté qui règne au fil des scènes et souligne le propos presque surréel de la situation. L’humour qui confine au burlesque est présent en permanence dans la mise en scène et le jeu des acteurs. Le choix de comédiens amateurs est déterminant en ce qu’il apporte une singularité poétique dans chacune des sorties de soi, des façons d’être au monde et contribue à la beauté profonde de ce film.
D’un pays lointain est une métaphore de la vie même rythmée par le temps passé ensemble, ici ou dans l’exploration d’un ailleurs, maintenant ou demain, dans la richesse intérieure des êtres, par la nécessité de se relier, de forger inlassablement les récits des expériences, de construire une histoire commune.
"Il faut être allé au fond de la douleur humaine, en avoir découvert les étranges capacités, pour pouvoir saluer ce qui vaut la peine de vivre", disait André Breton.
Anita Lindskog
Jeune Cinéma en ligne directe
1. Co-fondateur, en 2005, de la compagnie No Border, avec le directeur de la photo Hugues Gemignani et le musicien Pierre Carrasco, Simon Gillet, après plusieurs courts métrages, a réalisé un premier long-métrage, Le Temps des ogres, une adaptation libre de Hänsel und Gretel des Frères Grimm (1812), en recherche de distribution.
2. In Arcane 17 (1944).
D’un pays lointain. Réal, sc, mont : Simon Gillet ; ph : S.G. & Hugues Gemignani ; déc : Catherine Parmantier ; mu : Lucas Gillet. Int : Marc Amiot, Isabelle Chantraine, Sébastien de Jaegher, Nicolas Drouin, Hervé Duca, Céline Fogler, Catherine Katz, Sylvette M’Fomou, Guillaume Loiseau, Carole Naville, Barnabé Perrotey, Julien Preux, Nathalie Raphaël, Nabil Refafan, Nouredine Saïd Omar, Anita Sala, Wilfried Tossou, Alexandra Vasseur, Bruno Voillot, Muriel Yamamoto (France, 2023, 90 mn).