par Heike Hurst
Jeune Cinéma n°281, avril 2003
Sélection officielle Hors compétition du Festival de Cannes 2002
Sorties les mercredis 12 mars 2003 et 11 décembre 2024
Adapté d’un roman de Paulo Lins, Cidade de Deus est une histoire écrite par un enfant de la favela, la description précise et parfois même drôle de la montée du trafic de drogue en économie parallèle, et la lutte pour le pouvoir entre deux gangs et leurs chefs. "La Cité de Dieu" est aussi le nom de la banlieue la plus redoutable de Rio, observée de la fin des années soixante jusqu’au début des années quatre-vingt.
Fidèle au livre, le film est découpé en trois parties, qui rendent compte des trois décennies. Chaque partie a des couleurs dominantes, un filmage différent, des focales adaptées aux mouvements perpétuels et incessants des jeunes protagonistes.
Ils sont photographiés, filmés, mis en boîte comme leurs modèles réels, tous ces garçons qui perdent innocence et vie... sauf Fusée. Il n’a que onze ans quand tout commence. Il commente l’histoire, observe, photographie, raconte. Ce petit plus de passion lui donnera une chance. Ses copains n’ont pas cette envie, ils veulent juste avoir du fric et un flingue, car ils ont compris qu’il y a un rapport bizarre mais indéniable entre les deux choses.
Dès la première image, on est happé par la force de l’évocation, par la passion qui anime toutes et tous, grands et petits, filles et garçons, qui se transmet à la caméra. L’énergie des protagonistes est entrée dans les images, elle n’est pas seulement le moteur de l’action.
Fernando Meirelles, originaire de São Paulo et Kàtia Lund ont travaillé avec des jeunes de tous les quartiers chauds de Rio : cent dix jeunes en tout, tous non-professionnels, ont préparé le tournage dans des ateliers qui ont duré plusieurs mois.
Les réalisateurs ont su écouter parler leurs acteurs, ils les ont rendus plus vrais que vrais. Le rythme haletant des courses poursuites épuisantes est dopé par l’extraordinaire vitalité et la diversité de ces garçons aux noms magiques - Petit Dé, Tignasse, Carotte, Petit Zé -, qui vivent plus vite qu’ils ne peuvent courir. Le seul qui marche droit, Manu Tombeur, un géant noir, receveur de bus, seul adulte et seul personnage tragique, va être happé par cette folie environnante.
Il a un compte à régler avec cette bande de voyous. Ce géant noir nous arrache les chaudes larmes de la compassion. Le vidéo clip se mue en cinéma-vérité, les folies des gamins inspirent des images folles aux opérateurs, qui s’envolent avec eux vers des contrées meilleures où il fait bon d’être en vie et de passer son CAP de photographe...
Heike Hurst
Jeune Cinéma n°281, avril 2003
La Cité de Dieu (Cidade de Deus). Réal : Fernando Meirelles & Katia Lund ; sc : Braulio Mantovani ; ph : Cesar Charlone ; mont : Daniel Rezende ; mu : Antônio Pinto & Ed Côrtes. Int : Matheus Nachtergaele, Seu Jorge, Alexandre Rodrigues, Leandro Firmino da Hora, Douglas Silva, Felipe Haagensen (Brésil, 2002, 135 mn).