home > Films > Je ne veux plus y aller, maman (2024)
Je ne veux plus y aller, maman (2024)
de Antonio Fischetti
publié le mercredi 11 décembre 2024

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°433, décembre 2024

Sortie le mercredi 11 décembre 2024


 


Ce film émouvant, tendre et plein d’humour, est une catharsis. Antonio Fischetti est journaliste à Charlie Hebdo et, le 7 janvier 2015, il échappe de peu à l’attentat, par la grâce d’un concours de circonstances saugrenues - il avait dû se rendre aux obsèques de sa tante, dont il ira d’ailleurs fleurir la tombe lorsque, pour les besoins du film, il passera dans son village d’enfance. Après l’onde de choc, une introspection s’est imposée à lui pour redonner un sens à sa vie fragmentée par ce drame. Ces morts tragiques et inutiles, dues à l’aveuglement du terrorisme islamique, acquièrent avec le recul une absurdité encore plus grande, que ce film parvient à faire ressentir.


 


 

Parmi tous ses camarades assassinés, il y avait Elsa Kayat, la psychanalyste fantasque, qui y tenait une rubrique. Bien avant le drame, Antonio Fischetti avait tourné avec elle un film sous forme d’entretiens. Guidé par la parole d’Elsa, il revisite son histoire et les raisons de son engagement dans Charlie Hebdo. Son film est une quête à la fois sensible et décalée, qui questionne le pouvoir des images et les significations du mot liberté.


 


 

Antonio Fischetti, ne visite pas ses morts, ne s’épanche pas sur sa tristesse ou sa culpabilité. Il tente de renouer les liens qui les unirent, et surtout parvient à dépasser ce hasard incroyable qui lui a permis d’échapper au pire. Au cours de ce voyage, on en apprend beaucoup sur ses camarades journalistes, sur sa famille aussi, avec ses sœurs plus âgées, lectrices de Charlie Hebdo, qui l’ont rendu accro, très jeune, à l’hebdomadaire.


 


 

Ce documentaire est traité comme un livre de souvenirs, un carnet de voyage, en forme de rêve éveillé qui permet d’entrer au plus intime de la psyché de son auteur, et pas seulement parce qu’il avait commencé ce film avec Elsa Kayat. En fait, ce film parlait de tout autre chose que de la mort. En le revoyant pour ce documentaire, maintenant que sa camarade a disparu, il lui permet de réfléchir sur le sens des images ainsi qu’il l’explique : "Il s’agissait d’un film autour de la fascination de la prostitution. Vers 2018, mon producteur Philippe Bouychou, m’a convaincu de me replonger dans ces heures de rushes qui dormaient dans ma cave. Je me suis rendu compte qu’il y avait dans le discours d’Elsa, bien des choses qui résonnaient aujourd’hui encore en moi, et qui allaient au-delà de la prostitution. Mes amis ont été tués, pour des images intolérables aux yeux de certains. Je sentais qu’il y avait là des enjeux, liés aux pouvoirs du sexe, de la religion et des images. J’ai repris cette quête intime en compagnie de Yann Diener, qui tient désormais la chronique de psychanalyse dans Charlie Hebdo".
Tout cela donne un film intense, plein d’amour / humour, bien dans la veine de l’hebdomadaire satirique et politique, qui en gêne toujours plus d’un…

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°433, décembre 2024


Je ne veux plus y aller, maman. Réal, sc : Antonio Fischetti ; ph et mont : Anne-Laure de Franssu, Romain Berthiot, Maël Adnot & Éric Lebel ; mu : Pascal Comelade (France, 2024, 110 mn). Documentaire.



Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts