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Noël à Miller’s Point (2024)
de Tyler Taormina
publié le mercredi 11 décembre 2024

par Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma n°433, décembre 2024

Sélection de la Quinzaine des cinéastes au Festival de Cannes 2024

Sortie le mercredi 11 décembre 2024


 


Noël à Miller’s Point conte la soirée de Noël d’une famille nombreuse et aimante. Et parce qu’elle est le personnage principal, l’emploi de la forme chorale est logique. Ainsi, Tyler Taormina filme les groupes formés au cours de cette soirée, en isolant rarement ses personnages les uns des autres et s’attache ensuite à creuser la nature des relations qui se jouent entre eux.


 


 

Mais surtout, la force de cette forme consiste à faire doucement naître, affirmer et affiner, une mélancolie générale. À mesure que le récit se déroule, comme les membres de la famille, le spectateur, prend conscience de la nature éphémère du bonheur ambiant. Que ce soit à cause de la vente de la maison ou parce que les enfants commencent à s’émanciper, le réalisateur parvient à signifier la fin prochaine de l’unité.


 


 


 

On retrouve cet aspect au sein même de la structure du film qui, dans une seconde partie informelle, laisse un de ses personnages, Mary, une adolescente, prendre le rôle principal, en se focalisant sur son parcours au détriment du reste de la famille. Au fil de de la prise de conscience, chaque geste, regard ou témoignage de tendresse, se trouve émotionnellement accentué, car empli de la conscience de la fin prochaine. Cette mélancolie teintée de nostalgie est achevée par l’absence de repère chronologique concernant la date du récit, bien que les technologies présentes soient un indice et l’usage de la pellicule. Le recours au celluloïd permet surtout de déployer une gamme de tons, de couleurs, typique du support : chauds, ouatés, pour l’intérieur, bleus, glacés, pour l’extérieur.


 


 

L’association de ces nuances qui ne se mélangent pas et scindent les deux espaces, symboles d’un bonheur familial entouré d’un extérieur inquiétant, génère un fort contraste qui donne à l’œuvre une allure de conte. Allure renforcée par la caractérisation ironique (mais toujours bienveillante) de certains personnages. Ce choix bienvenu permet de donner plusieurs niveaux de lecture au film et de faire émerger l’humour là où on ne s’y attend pas, surprenant le spectateur en créant des rebondissements, qui donnent au film un rythme singulier, encore accentué par des pauses dans le récit, mettant en avant des instants suspendus et des effets de lumière, dont la beauté réside aussi dans leur gratuité.


 


 

Si on ajoute à cela une bande-son oscillant entre la musique rock et le silence de la nuit, Noël à Miller’s Point devient alors un film dynamique, projetant sans peine le public dans son univers. Les acteurs sont justes et, loin des canons de beauté hollywoodiens, assurent la crédibilité de cette famille qui s’apprête à disparaître. Une disparition qui pousse le spectateur à s’interroger : où est passée cette Amérique heureuse ? Évoquant aussi bien Un conte de Noël que American Graffiti (1), Noël à Miller’s Point est aussi enjoué que morose, tendre et inquiet.

Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma n°433, décembre 2024

1. Un conte de Noël de Arnaud Desplechin (2008) ; American Graffiti de George Lucas (1973).


Noël à Miller’s Point (Christmas Eve at Miller’s Point). Réal, sc : Tyler Taormina ; sc : Eric Berger ; ph : Carson Lund ; mont : Kevin Anton. Int : Matilda Fleming, Michael Cera, Francesca Scorsese, Gregg Turkington, Elsie Fisher (USA, 2024, 106 mn).



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