par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°433, décembre 2024
Sélection officielle du Brussels International Film Festival 2023
Sortie le mercredi 18 décembre 2024
The Wall est le troisième film de Philippe Van Leeuw, après Le Jour où Dieu est parti en voyage (2009) sur le conflit rwandais et Une famille syrienne (2017), relatant le drame d’une famille piégée par la guerre dans leur appartement de Damas. Jessica Comley (Vicky Krieps) est un agent de la patrouille américaine postée à Tucson en Arizona, territoire frontalier avec le Mexique.
À cet endroit désertique, de nombreux migrants tentent la traversée. Ces patrouilles privées, nommées "citoyennes", surveillent avec des jumelles la frontière sensible, longue de 37 kilomètres. Ce sont souvent des volontaires qui se substituent au gouvernement américain. Ils repèrent les migrants, les arrête et les livrent à la police. D’après les statistiques, quelque trois cents mille Mexicains passent chaque année la frontière et pénètrent aux États-Unis.
Le film évoque de façon très explicite la situation aux frontières, ce pouvoir des milices décidant de pallier l’incapacité du gouvernement à gérer le problème migratoire, pouvoir étrange venu de la population américaine, pouvoir illégitime et armé, qui parfois tue, et dont les crimes restent impunis. La nation américaine est pleine de ces personnes à l’esprit réactionnaire et fondamentaliste, à l’instar de Jessica Comley, dont l’unique admiration est la force des armes, doublée de la haine de l’étranger, en l’occurrence ici de Mike Wilson, dans son propre rôle de magnifique grand-père Amérindien, natif-américain issu de la nation des Tohono O’odham, au visage placide et aux longs cheveux blancs.
Le film est rude, d’abord par le paysage, sec, asséché, torride et par la présence toujours en alerte de Jessica Comley la main sur le pistolet. Il a la rudesse des sujets sérieux, sujets d’actualité, souvent dramatiques. En tant que seule femme dans une patrouille d’hommes, Jessica prouve son autorité en imposant une valeur masculine. D’où des positions corporelles et des attitudes assez outrancièrement appuyées, principalement lors du dernier plan du film, assise jambes écartées, buste droit, visage fixe. Un visage dont le talent expressif est incroyable, allant de la douceur tendre à la raideur glaçante et glaciale, un regard de tueuse. La présence de Vicky Krieps dans presque tous les plans glace jusqu’aux os.
Sans trop de détours familiaux, le film de Philippe Van Leeuw rejoint le documentaire, reste concentré sur son sujet, s’attachant à démontrer la violence aux frontières toujours actuelle comme le problème permanent des flux migratoires. À cet endroit, un artiste colombien, Alvaro Enciso, rend hommage aux migrants qui ont perdu la vie dans ce désert habité par la sauvagerie des hommes.
Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°433, décembre 2024
The Wall. Réal, sc : Philippe Van Leeuw ; ph : Joachim Philippe ; mont : Gladys Joujou ; mu : Lionel Vancauwenberge ; cost : Magdalena Labuz. Int : Vicky Krieps, Steve Anderson, Mike Wilson, Ezekiel Velasco, Haydn Winston, Austin Buchanan (Belgique-Luxembourg-Danemark-USA, 2023, 96 mn).