JC n°433, décembre 2024
Couverture : David d’Ingéo, Pyramiden (Damien Faure, 2023).
Quatrième de couverture : Shelley Duval, Robin Williams, Popeye (Robert Altman, 1980).
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Dernière ligne droite avant le changement de millésime. Bientôt les bilans vont fleurir, les médailles seront distribuées dans les prochains mois. Annus mirabilis ou horribilis ? Nous serions bien en peine, comme à l’accoutumée, de trancher (d’ailleurs, à quoi bon ?). Nous avons connu notre lot habituel d’éblouissements, notre quota annuel de découvertes, le sentiment rituellement éprouvé de naviguer sur une mer d’ennui. Dans le n°766 de Positif, Hubert Niogret, chargé des éphémérides d’octobre, a relevé la sortie, films nouveaux et reprises, de cent trente-trois titres en cinq mercredis. Combien, parmi ces 25 (exactement 25,6) films hebdomadaires, valaient la peine de se déplacer ? Quelques-uns, on l’espère, mais le public ne semble pas fatigué de cette suralimentation délirante, comme le montrent les récents chiffres de fréquentation. Tant mieux. Gageons que L’Annuel 2025 enregistrera un nouveau record, après les six cent quatre-vingt-dix œuvres répertoriées l’an dernier. On serait prêt à applaudir cet afflux, signe de vitalité de l’art qui nous occupe, mais un examen attentif nous montre que deux cent-trente-quatre d’entre elles n’ont pas atteint les dix mille spectateurs – à quoi bon cette course folle si 35 % des films finissent à la trappe ?
En établissant, pour notre numéro du soixantenaire, la liste complète des collaborateurs de la revue, entre 1964 et 2024, nous avions l’impression peu agréable d’être le gardien d’un cimetière. Nous ne pensions pas devoir ajouter si rapidement un nom à ceux de tous les disparus, celui de Patrice Allain. Ce n’était pas un rédacteur "historique", simplement un ami, érudit d’une espèce rare qui nous avait régalés de ses connaissances, trop peu souvent hélas, car il avait tant de fers au feu - mais il y va un peu aussi de notre faute, voir les quelques lignes que nous offrons plus loin à sa mémoire.
Dans ce même numéro 431-432, nous revenions sur nos coups de cœur passés, ces quelques premiers films affichés au fil des ans en couverture - on sait que celle-ci n’est pas à vendre et qu’elle n’obéit qu’à une actualité librement choisie. Parmi les titres convoqués, nous évoquions Pyramiden de Damien Faure, auquel nous souhaitions de pouvoir un jour trouver son public. Ce sera chose faite le 1er janvier prochain. Belle occasion donc de faire de notre mieux pour accompagner la sortie d’un "petit" film comme nous les aimons : simple, juste, étonnant, la rencontre d’une forme et sujet. C’est moins indigeste que L’Amour ouf, moins vain que Emmanuelle, moins surchargé que Saint-Ex, moins kitsch que Sarah Bernhardt, la Divine - tout pour nous plaire donc.
Andrea Grunert, notre tête chercheuse dans l’exploration du cinéma japonais peu fréquenté, a été la première à célébrer Kinuyo Tanaka, avant la découverte de ses films grâce au Festival Lumière en 2021. Dans notre numéro d’automne, c’est le quasi-inconnu Kihachi Okamoto qu’elle a sorti de l’ombre - le site Calindex nous apprend qu’aucune approche d’ensemble ne lui avait jamais été consacrée en France, la dernière note festivalière sur un de ses films datant de 1980. La seconde partie de la présentation du cinéaste devait figurer dans ce numéro, mais ses pages (cent trente-quatre pourtant, un record) étaient trop étroites, la suite viendra dans le prochain. Juste après le cycle "Kihachi Okamoto, le John Ford japonais", organisé par la Maison de la culture du Japon à Paris, du 22 janvier au 8 février 2025. Encore une fois, Jeune Cinéma aura ouvert la voie…
Cent trente-quatre pages, donc, et aucune place perdue par de la réclame : des festivals (hexagonaux mais riches), du patrimoine (qui se souvient que Édouard Corniglion-Molinier, héros de guerre, ministre, a tâté avec talent de la production dans les années 1930 ?), des divagations (l’entreprise au cinéma n’est pas le cinéma d’entreprise) et des livres recensés, beaucoup. Étrangement, alors que le nombre de librairies de cinéma s’amenuise - Cinélittérature, proche du Panthéon, qui nous accueillit souvent, vend ses collections pour échapper à la fermeture, prière d’y passer pour la soutenir -, l’édition d’ouvrages plus qu’intéressants s’accroît. Jamais nous n’avions proposé vingt pages de comptes rendus. Sans pouvoir aborder, l’espace ne suffisant pas, d’autres titres remarquables, tel l’essai de Olivier Smolders sur Edmond Bernhard (1) le Cinédanse, 50 films culte collectif sous la direction de Dominique Rebaud & Nicolas Villodre, Monologues, nouvelles signées par le grand chef-opérateur Philippe Rousselot, et les Annales du cinéma français : Les voies du parlant, somme titanesque due à Pierre Lherminier (son ultime travail) & René Prédal, qui revient, en 768 pages grand format, sur la période 1930-1946, avec le même luxe de détails que dans le premier volume sur le cinéma muet, publié en 2012. Il ne faudra certainement pas moins de vingt pages, dans notre premier numéro de 2025, pour traiter tous ces livres, qui le méritent. Les lecteurs qui nous font confiance peuvent se les procurer sans attendre, ils s’assureront plusieurs semaines de découvertes plaisantes.
La mort du cinéma a été régulièrement prédite depuis un siècle, la mort du DVD depuis moins longtemps, mais avec la même certitude. Par bonheur, les cassandres se sont toujours trompées. Est-ce l’effet du Blu-ray ou de l’UHD (Ultra Haute Définition), mais le marché de la reprise semble en bonne forme - en tout cas, les éditeurs interrogés dans le Positif de décembre 2024 (publicité gratuite) affichent leur satisfaction. C’est parfait, notre rubrique DVD ne risque pas d’être asséchée d’ici notre soixante-dixième anniversaire.
Lucien Logette
1. Nous l’avions pourtant annoncé pour ce numéro. Mais nous savons que les admirateurs du cinéaste n’ont pas eu besoin d’être convaincus pour se procurer Dimanche et autres essais (Yellow Now). On sait désormais presque tout sur Edmond Bernhard, on n’attend plus que de découvrir ses films.
Cinéma français
* Pyramiden, par Lucien Logette.
* Rencontre avec Damien Faure.
Festivals
* Biarritz 2024, par Alain Souché.
* Auch 2024, par Alain Souché.
* Montpellier 2024, par Alain Souché.
Patrimoine
* Retour sur Marcel Pagnol, par Nicole Gabriel.
* Édouard Corniglion-Molinier, aviateur et producteur, par Daniel Sauvaget.
Cinéma et Histoire
* Guerre et Paix de Bondartchouk, par Jean-Michel Ropars.
Chercheurs et curieux
* Patrice Allain (1964-2024), par Lucien Logette.
* Lou Tchimoukow, par Patrice Allain.
DVD
* Glanures. De Paul Strand à Chantal Akerman, par Philippe Roger.
* Chronique de l’automne 2024, par Jérôme Fabre.
* Intégrale Otar Iosseliani, par Francis Guermann.
Expérimental
* Sur deux films de Unglee, par Nicole Gabriel.
Actualités
* Cent mille milliards, par Nicole Gabriel.
* Je ne veux plus y aller maman, par Jean-Max Méjean.
* Marmaille, par Gisèle Breteau Skira.
* Le Quatrième Mur, par Hugo Dervisoglou.
* Conclave, par Youri Rebeko.
* Domas le rêveur, par Nicole Gabriel.
* Mon gâteau préféré, par Hugo Dervisoglou.
* No nos moveran, Jean-Max Méjean.
* Wicked, par Youri Rebeko.
* The Wall, par Gisèle Breteau Skira.
* Noël à Miller’s Point, par Hugo Dervisoglou.
* A Holy Family, par Anita Lindskog.
Livres
* Nicolas Brevière, Golden Eighties, par Francis Guermann.
* Antoine de Baecque, Marin Karmitz, par Gisèle Breteau Skira.
* Sterling Hayden, Wanderer, par Alexis Leroy.
* Olivier Cost et Marie Sophie Moreau, Cinéphilix, de René Prédal.
* Sam Wasson, Le Chemin du Paradis, par Gérard Camy.
* Jean-Pierre Pagliano, Le Roi et l’Oiseau, par Lucien Logette.
* Jean Gili, Vittorio De Sica, par Lucien Logette.
* Édouard Sivière, Robert Altman, par Lucien Logette.
* Bertrand Tavernier, Mémoires interrompus, par Lucien Logette.
Divagations
* Crainquebille de Jacques Feyder par Enrique Seknadje.
* Les films en leur temps, par Patrick Saffar.
Humeur
* Réalisme et vérité au cinéma, par Bernard Chardère.