par Bernard Nave
Jeune Cinéma n°430, été 2024
Sélection officielle En compétition du Festival de Cannes 2024
Sortie le mercredi 1er janvier 2025
Rien de plus simple qu’un titre de film en quatre lettres, mais bien sûr, aussi, l’invitation à un possible envol. En deux heures, Andrea Arnold propose une véritable expérience de décollage du réel pour atteindre les sphères de la poésie la plus simple et la plus belle qui soit.
Laissons donc le temps à ce réel de se déplier sous nos yeux. Celui d’un quartier pauvre de la grande banlieue londonienne, pas très loin de la mer, fait de petites maisons identiques, aux rues sales, murs tagués de grafs qui sont autant de cris silencieux. Et tout de suite, sans préambule inutile, le surgissement d’une vie dont l’âpreté est portée par une jeunesse sous haute tension. Au centre, une jeune ado de 12 ans, Bailey, qui vit avec son père Bug, sur le point de se remarier, son frère Hunter plus âgé et d’autres enfants plus jeunes. Lits empilés dans une chambre exiguë, allers et venues incessantes, désordre omniprésent et musique envahissante.
La manière dont Andrea Arnold brasse ce matériau dépasse le simple souci de réalisme pour proposer une vision au laser d’une Angleterre à l’abandon, dans laquelle les individus doivent trouver une issue incertaine. Pour Bailey, à l’heure des premières règles, la part de l’imaginaire se nourrit de ses moments d’errance solitaire dans la maigre nature environnante, ses hautes herbes et ses fleurs sauvages, dans laquelle surgit un jour un drôle de jeune homme en jupe, plus proche d’un oiseau par son allure et son visage en forme de bec, que l’on nomme Bird. Il est à la recherche de ses parents. Entre la jeune fille et lui, se noue un rapport étrange, fait de méfiance et d’attirance. Bird s’installe dans le paysage, assis sur un mur, au sommet d’un immeuble, un peu à l’image d’un ange de Wim Wenders surplombant Berlin.
Tout en continuant de tisser sa toile de fond réaliste, Andrea Arnold pousse la métaphore de l’oiseau dans le registre du fantastique, Bird prenant littéralement sous son aile la jeune Bailey, dont le corps se couvre de plumes.
On est littéralement conquis par cette irruption poétique qui fait de Bird un film totalement libre. À noter l’originalité d’un générique final qui déroule sur une moitié de l’écran tous les noms des participants, sans aucune hiérarchie. Tandis que sur l’autre moitié, continuent des images, prises au vol dans les rues du quartier.
Bernard Nave
Jeune Cinéma n°430, été 2024
Bird. Réal, sc : Andrea Arnold ; ph : Robbie Ryan ; mont : Joe Bini. Int : Nykiya Adams, Franz Rogowski, Jason Buda, Jasmine Jobson, James Nelson Joyce, Frankie Box (Grande-Bretagne, 2024, 119 mn).