home > Films > Eephus, le dernier tour de piste (2024)
Eephus, le dernier tour de piste (2024)
de Carson Lund
publié le mercredi 1er janvier 2025

par Gérard Camy
Jeune Cinéma n°430, été 2024

Sélection officielle de la Quinzaine des cinéastes au Festival de Cannes 2024

Sortie le mercredi 1er janvier 2025


 


Les "Adler’s Paint" et les "Riverdogs" sont les noms de deux obscures équipes de base-ball qui s’affrontent depuis des années, sur le "Soldier’s Field", le terrain public d’une petite bourgade de Nouvelle-Angleterre. Ce match de la fin octobre sera le dernier qu’ils pourront organiser sur ce stade voué à une démolition imminente et, peut-être aussi, le dernier de leur vie, tout simplement. De cette bande d’amateurs magnifiquement imparfaits, dont la plupart ont dépassé la quarantaine et ne seront jamais inscrits au "Hall of Fame" du base-ball, émanent la nostalgie du temps qui passe, la lassitude d’un quotidien sans aspérité, le fatalisme d’un avenir incertain. Mais au milieu de ce marasme, leur humour désenchanté, leurs coups de gueule, leurs sarcasmes bienveillants, leur camaraderie plus forte que leur rivalité, les agrègent dans une amitié sans âge, à la fois poussiéreuse et immuable.


 


 

Dans ce premier film, l’approche chorale de Carson Lund est d’une générosité pleine d’humour, d’une ironie chaleureuse. La disparition du terrain n’est pas l’œuvre de méchants investisseurs, mais une décision de la mairie pour construire une école qui permettra aux enfants du bourg d’étudier sur place. Aucun des joueurs ne peut s’insurger contre cet état de fait.


 


 

Le cinéaste situe le film dans les années 90, comme pour ajouter à la nostalgie ambiante. Dans ce stade aux tribunes désertées, un ancien passionné tient la feuille de marque, deux adolescents indolents regardent ces joueurs d’un autre âge, d’un œil aussi détaché que critique, la femme d’un joueur et leur fils ne font que passer, un antique food-truck espère vendre quelques saucisses à défaut des bières que les joueurs n’ont pas oubliées pour arroser leur dernier match.


 


 

Il y a du Robert Altman et du Richard Linklater dans ce remarquable petit film indépendant, qui, à l’image de son titre qui reprend un terme de base-ball désignant une balle courbe d’une lenteur inattendue et dotée d’un effet trompeur, utilise le loisir le plus populaire du pays, non pas comme un sport, mais comme un moyen de retarder le temps qui passe, et de donner une vision sincère de cette Amérique profonde dont la masculinité n’a pas encore glissé sur des pentes dangereuses.

Gérard Camy
Jeune Cinéma n°430, été 2024


Eephus, le dernier tour de piste (Eephus). Réal, mont : Carson Lund ; sc : C.L., Michael Basta & Nate Fisher ; ph : Greg Tango ; mu : Jonathan Davies. Int : Cliff Blake, Keith William Richards, Stephen Radochia (USA-France, 2024, 98 mn).



Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts