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Maria (2024)
de Pablo Larraín
publié le mercredi 5 février 2025

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°434-435, février 2025

Sélection officielle de la Mostra de Venise 2024

Sortie le mercredi 5 février 2025


 


Le 16 septembre 1977, mourait à Paris, d’une crise cardiaque soudaine, Maria Callas, dans son appartement de l’avenue Georges-Mandel. Avec son scénariste Steven Knight, Pablo Larraín a décidé de filmer les sept derniers jours de sa courte vie - elle n’avait que 53 ans. Pour l’incarner, il a choisi une autre diva, Angelina Jolie, et ce choix s’avèrera justifié puisqu’elle parvient à l’incarner parfaitement, à la fois dans sa solitude, sa folie et son manque d’amour, et allant jusqu’à prendre des cours de chant avec Lori Stinson pendant six mois. Sa propre voix sera mixée avec celle de la prima donna, et Angie, comme l’appelle le réalisateur, aura à chanter sur de véritables scènes d’opéra, notamment celle de la Scala de Milan, où elle a dû interpréter "Piangete voi", le dernier aria de l’opéra Anna Bolena de Gaetano Donizetti, devant un public de figurants qui l’ont ovationnée.


 


 


 

Le film commence sur une image de la Callas sur scène, son visage, ou plutôt celui de Jolie, émergeant de l’ombre comme une prolepse de sa propre mort. Ce travail, voulu par le directeur de la photographie, Ed Lachman, a été réalisé le premier jour de tournage, une manière "d’entrer dans son monde, et de lui donner confiance sur la manière dont nous allions travailler ensemble", a-t-il déclaré.


 


 


 

Le film se présente comme une sorte de huis clos : l’appartement parisien reconstitué dans un immeuble de Budapest, après que le décorateur, Guy Hendrix Dyas, eut pu visiter celui de Maria Callas, qu’il a copié à l’identique, dans les moindres détails et les moindres objets, à la manière de Luchino Visconti. Le décorateur est aussi collectionneur et une des vraies robes de Callas, qui était très élégante et s’habillait la plupart du temps de noir, va servir à vêtir Angelina Jolie. Pour sa robe d’intérieur, le costumier Massimo Cantini Parrini a fait élaborer à Rome un peignoir en pure laine qui évoque une robe de prêtresse de la Grèce antique, rappel des vêtements qu’elle portait dans le seul film qu’elle a tourné, Médée de Pier Paolo Pasolini (1969). Seule dans cet appartement, sorte de cénotaphe habité, un peu recluse, avec pour seuls amis son majordome et sa cuisinière, interprétés par Pierfrancesco Favino et Alba Rohrwacher, addicte aux médicaments de toutes sortes, et surtout privée de sa splendide voix, elle ne monte plus sur scène depuis la fin des années 1960 et ce drame la tient captive.


 


 


 

Elle ne peut s’évader qu’en écoutant parfois ses propres enregistrements qu’elle finit par haïr car trop parfaits, ou en demandant à son chauffeur de la conduire sur une de ses terrasses favorites pour se faire admirer par ses fans. Elle qui n’a fait que donner aux autres son talent et connaître des amours malheureuses, aimerait ne vivre plus que pour elle-même.


 


 


 

Mais elle en est empêchée par des souvenirs souvent douloureux, notamment avec Aristote Onassis, et ces flashbacks sont souvent inspirés des films personnels de la diva ainsi que le confie le directeur de la photographie : "Nous avons recréé ses archives, lorsque Maria est avec ses proches, ou avec Onassis sur son yacht, etc. Visuellement, j’essayais d’incorporer la psychologie de son personnage à travers la couleur et leur température, contrastant la chaleur de son monde intérieur avec la froideur des bleus et des verts du monde extérieur".
Beauté plastique et interprétation magnifique. Voilà qui ne peut que redonner goût au public de redécouvrir l’une des plus belles voix du monde, revivifiée par une actrice de talent dont on n’avait pas encore mesuré toute la puissance de jeu - et pourquoi pas, de retourner à l’opéra.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°434-435, février 2025


Maria. Réal : Pablo Larraín : sc : Steven Knight ; ph : Edward Lachman ; mont : Sofia Subercaseaux ; déc : Guy Hendrix Dyas. Int : Angelina Jolie, Valeria Golino, Haluk Bilginer, Alba Rohrwacher, Pierfrancesco Favino (Allemagne-USA-Italie, 2024, 124 mn).



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