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Tournoi (le) (2014)
de Élodie Namer
publié le mercredi 29 avril 2015

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°365, mai 2015

Sortie le mercredi 29 avril 2015


 


Après La Diagonale du fou (1984) de Richard Dembo, on ne pensait pas encore possible de filmer une partie d’échecs. Mais Élodie Namer fait plus fort en filmant, à Budapest, un tournoi entier.


 

Et c’est une réussite, malgré quelques petites maladresses, puisque le film parvient parfaitement à rendre compte de l’univers obsessionnel, contraignant et claustrophobe des échecs, en particulier dans l’univers plombé d’un hôtel international de la capitale de la Hongrie.

L’acteur principal, qui incarne Cal, est un boxeur, qui n’avait jamais fait de cinéma, et que la réalisatrice a trouvé après un casting imposant. Michelangelo Passaniti crève l’écran, aidé par la présence pleine de grâce de Lou de Laâge, qu’on a déjà vue dans des rôles plus glamour (Jappeloup, Respire) que celui d’une joueuse d’échec internationale.

"Comme tous les autres comédiens, déclare la réalisatrice, elle s’est immergée dans l’univers des échecs, a pris des cours, fréquenté des joueurs. Pour le côté physique de la compétition, nous avons fait de la boxe avec Michelangelo Passaniti qui nous entraînait."


 

Un film mené de main de maître, dans le choix des décors, des lumières, des clairs-obscurs qui lui confèrent un charme vénéneux, fait d’enfermement à la manière du Rosemary’s Baby de Polanski et de claustrophobie digne (presque) du Kubrick de Shining pour l’étrangeté des longs couloirs d’hôtel et de Eyes Wide Shut pour la beauté des espaces intérieurs pleins de mystère et d’érotisme larvé.

Il faut dire que le film est très soutenu par sa musique - 28 minutes de compositions originales, sans oublier les musiques additionnelles -, qui se révèle comme un instrument narratif essentiel et souligne parfaitement l’atmosphère de concentration silencieuse des échecs.


 

Ce qui n’interdit pas les moments de détente, voire de folie et d’ivresse, qui compensent le stress, moments durant lesquels les acteurs font merveille, à travers des jeux inutiles et des attitudes infantiles. Le tout sous le regard impressionnant d’un jeune champion de ce sport, inquiétant et prophétique.

Malgré quelques rares séquences un peu outrées (celles avec le maître allemand manipulateur), le film marquera le spectateur par des scènes particulièrement réussies, telle celle du baiser entre Cal et un des joueurs de l’équipe française qui, à 28 ans, n’a jamais connu l’amour.
Sans cesse sur la corde raide, le personnage de Cal - hommage au James Dean de À l’Est d’Eden et à son blouson rouge de La Fureur de vivre  -, bascule à la fin vers la liberté, comme si le monde des championnats en général, et celui des échecs en particulier, était une métaphore de la caverne platonicienne, monde des apparences, auquel il faut, coûte que coûte, échapper.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°365, mai 2015


Le Tournoi. Réal, sc : Élodie Namer ; ph : Julien Poupard ; mont : Julien Ouvrard & Nicolas Desmaison ; mu : Dombrance, Aurore MeyerMathieu. Int : Michelangelo Passaniti, Lou de Laâge, Magne-Havard Brekke, Adam Corbier (France 2014, 83 mn).



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