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To the North (2022)
de Mihai Mincan
publié le mercredi 26 février 2025

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°434-435, mars 2025

Sélection officielle Horizons de la Mostra de Veise 2022

Sortie le mercredi 26 février 2025


 


Inspiré d’une histoire vraie, ce deuxième long métrage du Roumain Mihai Mincan, après sept courts et un long, The Man Who Would Be Free (2019), se présente comme un huis clos. Un navire porte-conteneurs taïwanais, des hommes d’équipage philippins, deux clandestins dont on ne sait rien, et une Bible… "Mon chef-opérateur, raconte Mihai Mincan, a évoqué un jour une histoire entendue à la radio quelques années auparavant. Elle lui était restée en tête. Il ne se souvenait pas de tous les détails, mais surtout qu’il y avait une Bible". Voici comment peuvent naître les histoires au cinéma.


 


 

Entièrement tourné à bord du navire, le film est passionnant parce qu’il met en opposition le dedans (le dédale des entrailles qui font penser à Jonas dans le ventre de la baleine) et le dehors (cet océan Atlantique dont on ne voit que la masse inquiétante, rayée seulement par le sillage blanc du bateau et quelques lueurs de phares lointains).


 


 

Cette opposition va encore plus loin, car elle met en place une situation presque kafkaïenne sur la société humaine. Face à cette infinité sur laquelle une grosse coquille de noix flotte au hasard des éléments, le drame humain se construit dans son absurdité. En effet, des deux passagers clandestins, l’un est découvert et le capitaine taïwanais le fait jeter à la mer. Dimitru, l’autre clandestin, est découvert à son tour par un membre de l’équipage, qui va le nourrir et le cacher, malgré les ordres du capitaine qui n’hésiterait pas à agir de la même manière s’il venait à découvrir encore un clandestin.


 


 


 

Le film fonctionne presque comme une pièce de théâtre, facilité par l’espace clos, parfaitement maîtrisé par le jeune metteur en scène qui mérite bien les récompenses reçues à Venise et en Roumanie, l’équivalent des Césars français. Sans pathos, puisque To the North est développé presque philosophiquement et ne pose pas la question de l’empathie, quelquefois hypocrite, à l’égard des migrants et des clandestins, mais celle de la bonté et de la justice, d’où cette présence récurrente de la Bible.


 


 

Du reste, dans une discussion du capitaine taïwanais avec son subordonné philippin, est abordé le thème de la justice. Il déclare à peu près ceci : "Un capitaine ne doit pas être bon, car la bonté n’épargne qu’une seule personne. Il doit être juste car la justice est égale pour tous". C’est ce qui ressort du film, notamment avec sa fin qui pose les limites de la bonté, dans la mesure où les marins philippins ne cessent de la mettre en parallèle avec la cruauté des Taïwanais, les seuls à être armés donc à posséder le pouvoir.


 


 

Avec la lumière du chef opérateur, George Chiper-Lillemark, inspirateur du film, cette œuvre profonde met en évidence des acteurs philippins magnifiques recrutés chez Lav Diaz et un étoile montante du cinéma roumain, au visage incandescent, Nicolaï Becker, dans le rôle de Dimitru, qu’on n’oublie pas.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°434-435, mars 2025


To the North (Sper Nord). Réal, sc : Mihai Mincan ; ph : George Chiper-Lillemark ; mont : Dragos Apetri ; mu : Alessandro Cortini & Marius Leftarache. Int : Nicolaï Becker, Soliman Cruz, Noel Sto Domingo, Alexandre Nguyen (Roumanie-France-Bulgarie, 2022, 122 mn).



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