par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe
Sélection officielle de la Mostra de Venise 2023
Sortie le mercredi 5 mars 2025
Parmi les îles méditerranéennes, la Sardaigne n’est pas souvent visitée par le cinéma. C’est chose faite avec ce nouveau film de Marco Amenta, cinéaste palermitain dont c’est le troisième long métrage de fiction, après cinq documentaires pour la télévision.
Inspiré de deux histoires vraies, l’une concernant un vieux berger sarde qui a réussi à gagner contre un groupe immobilier qui l’avait spolié de ses terres, l’autre provenant d’une rencontre avec Roberta, chevrière au nord de Rome, qui, malgré les difficultés rencontrées, a une approche de l’élevage bien différente de celles des paysans traditionnels. À partir de ces deux situations, Marco Amenta va bâtir une fiction qui les réunit.
Le film se concentre sur le personnage d’Anna, revenue vivre et élever des chèvres en Sardaigne, sur les terres de son père décédé qu’un groupe hôtelier, prétendant qu’elles ne lui appartenaient pas vraiment, lui vole pour y construire un grand hôtel. Anna, seulement assistée par un jeune homme apparemment peu impliqué, est en lutte perpétuelle pour survivre dans cet univers hostile, contre les investisseurs, l’architecte, sa famille, les voisins et pratiquement tout le village qui voit dans l’implantation de l’hôtel une arrivée massive de touristes et des possibilités d’emplois.
Il ne fait cependant pas de son personnage une passionaria un peu hystérique ou pathétique. Non, Anna est une jeune femme que les difficultés de la vie éprouvent mais rendent plus forte. On ne peut qu’admirer son courage face à l’adversité, qu’elle vienne de son entourage, des administrations tatillonnes ou des loups de la finance internationale. En fait, pour le réalisateur, elle représente l’écologiste dans toute sa pureté, c’est-à-dire ni aveuglée par une idéologie, ni réduite aux faux-semblants du capitalisme. Anna est ce qu’on appelle une belle personne, une pure, qui refuse de faire euthanasier son cheptel. Selon Marco Amenta, "son rapport à la Nature n’est pas utilitariste. Il est respectueux de la terre et des animaux. C’est un rapport viscéral. Ainsi, quand elle est attaquée, quand sa terre est violée, elle ressent l’agression jusque dans son corps".
Les images de la campagne aride, dues à Giovanni Lorusso, sont magnifiques, et la mise en scène du village est parfaitement réaliste, sans pathos ni caricature. Anna est incarnée par Rose Aste, une "actrice" non-professionnelle dont on reparlera sans doute, car si elle ne joue pas, elle est parfaitement le personnage, avec son côté entier, libre et vibrant. Le réalisateur cherchait une actrice qui parle le dialecte sarde. Il l’a découverte après un long casting. "Rose Aste, déclare-t-il, incarne toutes les facettes d’Anna, son aspect paysan, rugueux, brut, mais aussi une forme de douceur et de sensualité".
Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe
Anna. Réal : Marco Amenta ; sc : M.A., Anna Mittone & Niccolo Stazzi ; ph : Giovanni Lorusso ; mont : Aline Hervé ; mu : Julia Liros, Giulia Mazzoni. Int : Rose Aste, Daniele Monachella, Marco Zucca, Daniele Vitellaro (France-Italie, 2023, 118 mn).