par René Neufville
Jeune Cinéma n° 365, mai 2015
Sortie le mercredi 6 mai 2015
Logan, un flic à l’allure de rock star fatiguée, dirige une brigade endurcie qui lutte contre le trafic de drogue dans le quartier ouest de Notting Hill à Londres. Leur méthode est expéditive et brutale. En échange de leur protection, le milieu mafieux turc leur livre information et marchandise, pour leur consommation personnelle et, au prix de cette collusion, Logan espère remonter des filières d’amont.
De son informateur turc, il apprend que des concurrents albanais viennent envahir le marché avec une filière, Solucan, très féroce et adossée au trafic de femmes destinées à la prostitution. L’ambition de Logan redouble avec ce nouvel enjeu de taille et un vieux fonds de morale se met à vibrer quand il entre en contact avec l’une de ces femmes enchaînées, victimes de violences sexuelles.
Le film perd de son intérêt quand, contesté par sa hiérarchie, le flic se retrouve muté à la brigade des mœurs et, dans cette seconde partie, ce sont les contradictions internes des services de police qui l’emportent, sur fond de turpitudes rancies, au détriment des aspects documentaires.
Hyena s’inscrit dans un genre, le thriller avec trafic de drogue, et n’innove pas.
Le cinéma US et les séries ont depuis longtemps traité des mafias à l’œuvre dans ce secteur et des réponses ingénieuses que les polices mettent en place. L’actualité témoigne de la prégnance de ce sujet. Mais très vite, le film échappe au réalisme.
Ici, nulle échappée documentaire, sentimentale ou psychologique. Logan n’a rien de la hyène du titre, possible cliché, c’est lui l’intérêt principal du film, personnage fatigué, dépendant de la coke, en proie au doute et convaincu que, sur ce marché aussi florissant, il faut investir beaucoup pour en venir à bout. Ce qu’il n’hésite pas à faire d’ailleurs à titre personnel, sans être trop regardant sur les moyens.
Doux dans ses échanges et déterminé, avec sa moue lippue, Logan est un desperado, dépourvu de la superbe des héros scorsesiens, plus proche du Bad Lieutenant de Abel Ferrara. Et au fond, c’est lui qui tire le film vers le haut quand Gerard Johnson traite les collègues de sa brigade en traits aussi gros que ceux des mafieux albanais.
Il faut lui savoir gré d’avoir limité son propos à 108 minutes, avec une fin qui reste en suspens : il a l’élégance de ne pas montrer une scène ultime dont on a compris qu’elle ne pouvait être qu’un nouveau carnage. Pourvu qu’il n’ait pas l’idée de prolonger ce film par une série, tant on sent qu’il a jeté dans Hyena ses meilleures cartes.
Il s’agit de son deuxième long métrage après Tony en 2009. C’est un film de famille. Son frère réalise la musique, scandée et souterraine, intense et parcimonieuse, qui atteint son paroxysme dans le suspense final. C’est leur cousin, Peter Ferdinando, déjà dans Tony, qui incarne Logan. Et l’autre famille, c’est celle de ces comédiens qui ont été choisis avec soin : tous leurs rôles sont écrits et bien interprétés, et on les regarde d’autant mieux qu’ils nous sont inconnus.
René Neufville
Jeune Cinéma n° 365, mai 2015
Hyena. Réal, sc : Gerard Johnson ; ph : Benjamin Kracun ; mont : Ian Davies ; mu : Matt Johnson. Int : Peter Ferdinando, Neil Maskell, Elisa Lasowski, MyAnna Buring, Stephen Graham (Grande-Bretagne, 2014, 108 mn).