par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe
Sélection officielle du New York Asian Film Festival 2024
Sortie le mercredi 16 avril 2025
Avec ses qualités (et ses défauts), ce premier film de Pat Boonnitipat, jeune réalisateur thaïlandais de télévision, auteur de trois séries Diary of Tootsies (2016), Project S (2017) et Bad Genius (2020), est un événement, porté par les réseaux sociaux et la nouvelle culture, nourrie d’algorithmes et de smileys. En effet, Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère) est devenu un phénomène dans toute l’Asie et a même figuré dans la "shortlist" des Oscars étrangers 2025 où il représentait la Thaïlande. Porté par des trends TikTok, le phénomène s’est déjà étendu à l’Australie, à la Nouvelle-Zélande et aux Pays-Bas, où le film a cartonné au box-office. Le film sort en France sans tambour ni trompette ; quelle place lui sera-t-il accordée ?
Sur un thème simple et assez rebattu, celui de la famille et de ses problèmes, le film possède des qualités stylistiques empruntées non pas aux séries, mais à la comédie à l’italienne, voire au Néoréalisme. Par moments, on se croirait presque chez Ettore Scola par la qualité soignée de la lumière de Boonyanuch Kraithong, et par l’inventivité d’un scénario assez ciselé co-écrit par le réalisateur et Thodsapol Thiptinkorn. Les acteurs apportent au film un charme particulier, au premier rang desquels figure Amah, incarnée par Usha "Taew" Seamkhum, premier rôle au cinéma et qui fait merveille dans le rôle-titre de la grand-mère, capricieuse, courageuse, exigeante et, finalement, tendre. Son petit-fils de cinéma, M., est interprété par le charismatique et pétillant Putthipong "Billkin" Assaratanakul et Mui, sa cousine, par Tontawan "Tu" Tantivejakul - tous deux sont des stars en Thaïlande.
Bien qu’ils aient construit une histoire solide, on a un peu l’impression que les scénaristes n’ont pas vraiment su la terminer, car les fausses fins sont multiples et cassent le rythme d’un film déjà long (126 minutes). Cependant, Comment devenir riche… donne une image à la fois réaliste et romancée de la vie en Thaïlande, de ses coutumes ancestrales, du culte des morts et de ses lois sur l’héritage qui reposent encore sur le choix des bénéficiaires au sein d’une même famille. On en découvre ici toutes les conséquences. On y constate aussi les ravages de la mondialisation avec la propagation de l’Internet, des jeux vidéo, de l’endettement et de la puissance de l’argent qui disloquent les liens sociaux et familiaux.
Pat Boonnitipat nous propose une sorte de fable, qui redonne du sens aux liens qui nous unissent, ou parfois nous éloignent, mais qui nous font entrer dans la communauté des humains, ce que déteste le nouveau monde des ultralibéraux. D’où son succès quasi planétaire et les explications de son réalisateur : "Mon objectif était de raconter une histoire à laquelle le public pourrait s’identifier et se l’approprier. Je n’ai pas cherché à imposer une signature personnelle ou à marquer le film de mon style. J’ai voulu que l’histoire parle d’elle-même et touche les spectateurs de la manière la plus sincère possible".
Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe
Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère) (Lahn Mah). Réal : Pat Boonnitipat ; sc : P.B. & Thodsapol Thiptinkorn ; ph : Boonyanuch Kraithong ; mont : Thammarat Sumetsupachok ; mu : Jaithep Raroengjai. Int : Usha "Taew" Seamkhum, Putthipong "Billkin" Assaratanakul, Tontawan "Tu" Tantivejakul, Sarinrat Thomas (Thaïlande, 2024, 126 mn).