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Légende d’Ochi (la) (2024)
de Isaiah Saxon
publié le mercredi 23 avril 2025

par Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle du Festival du film de Sundance 2025

Sortie le mercredi 23 avril 2025


 


Sur une île de la Mer noire, la jeune Yuri trouve un petit "ochi", une des créatures fantastiques qui peuplent l’île. Décidée à le ramener à sa famille, elle part avec lui dans une quête initiatique. Cas épineux que ce film, dans la mesure où d’un côté, c’est une réussite, de l’autre un échec.


 

Commençons par le positif. Visuellement parlant, l’œuvre est superbe. Chaque cadre ou mouvement de caméra rend grâce aux magnifiques décors naturels des milieux traversés, bois, marécages ou montagne. Chaque élément est sublimé. L’éclairage est subtil, bien qu’expressif, et parvient, couplé aux divers biomes dépeints, à créer le surnaturel sans avoir recours aux effets spéciaux. Les couleurs chaudes évoquent les meilleurs Disney, ou Les Chevaux de feu de Sergueï Paradjanov (1965). La fantaisie du film est accentuée par l’usage de marionnettes pour les ochis qui prennent vie par la magie de la mise en scène (et des effets numériques). Le tout est couronné par une partition musicale mélodieuse, lyrique sans insistance ni effets faciles. Enfin, le jeu des interprètes est criant de naturel. Soulignons la performance de Willem Dafoe, qui parvient à donner, par ses mimiques à la lisière de la caricature, de l’ambiguïté à son personnage de chasseur travaillé par des vents intérieurs contraires.


 


 

Abordons maintenant le négatif. Le scénario est un enchaînement de clichés dont chaque rebondissement est prévisible. Les personnages sont caractérisés de manière à correspondre à des stéréotypes contemporains. Le chasseur symbolise le patriarcat, ses gamins la bêtise masculine, la mère de Yuri est une sorcière néoféministe, et Yuri l’archétype de l’adolescente mal dans sa peau. Ainsi, en faisant de ses rôles des tropes modernes criants, l’auteur politise son film et en atténue la spiritualité. Une politisation qui empêche toute immersion dans la magie de l’univers montré et qui ne cesse de rappeler au public qu’à l’extérieur se trouve des luttes auxquels il faut prendre part.


 


 

Autre choix handicapant : le thème de la modernité envahissant un univers traditionnel. Si, en soi, ce sujet est noble, il est ici réduit à une information. C’est-à-dire qu’est expliqué en début de film que l’île était isolée et que la modernité est advenue d’un coup. Il en va ainsi pour justifier le recours aux armes ou aux armures anciennes par les protagonistes, alors que les voitures et un centre commercial prennent une place conséquente au sein du cadre. Comme ce thème n’a pas d’incidence sur l’action ou les personnages, ni de rapport avec les enjeux, la ficelle est trop grosse : il s’agit d’une astuce scénaristique pour justifier la contemporanéité au sein d’une histoire qui aurait été parfaite advenue deux siècles plus tôt.


 


 

Tout se passe comme si l’auteur avait cherché à compenser le manque de moyens matériels par un surplus de sens idéologique. L’impact de ce parti pris est lourd, dans la mesure où les coutumes de la population du film prennent l’allure d’objets exotiques superficiels utilisés pour faire passer, plus simplement, les messages politiques du scénario. Ajoutons que le montage des dernières séquences est raté. On peine à comprendre la présence ou l’action des personnages au sein de l’espace. Soit le tournage s’est mal passé et il manquait des plans, soit le film a été raccourci, ce qui est acceptable lorsque le remontage est fait avec des doigts de fée et non, comme ici, au couteau de boucher.
En résulte un film bancal qui voit son point fort, son esthétique, annihilée par son point faible, son scénario. Mais ne serait-ce que pour ses qualités plastiques, il faut aller voir La Légende d’Ochi, en attendant que l’auteur nous prouve ce qu’il peut faire avec un budget conséquent et un bon scénariste.

Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma en ligne directe


La Légende d’Ochi (The Legend Of Ochi). Réal, sc : Isaiah Saxon ; ph : Evan Prosofsky ; mont : Paul Rogers ; mu : David Longstreth ; déc : Jason Kisvarday ; cost : Elizabeth Warn. Int : Helena Zengel, Willem Dafoe, Finn Wolfhard, Emily Watson, Carol Bors (USA, 2024, 96 mn).



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