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Simón de la montaña (2024)
de Federico Luis
publié le mercredi 23 avril 2025

par Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle de la Semaine de la critique 2024

Sortie le mercredi 23 avril 2025


 


En Argentine, Simón, 21 ans, handicapé mental vivant chez sa mère, tente d’intégrer un groupe d’adolescents de la même condition que lui et qui fréquentent un lieu spécialisé.
La première particularité de cette œuvre consiste en ce qu’elle ne précise jamais ni n’explique, les raisons qui poussent Simón à agir, et préfère se baser sur le mystère et la suggestion. Le public est donc projeté dans le film sans introduction ni éclaircissement et demeure exclusivement attaché au point de vue de son personnage principal. Un personnage qui, sans passé apparent et sans capacité de projection dans l’avenir, est prisonnier d’un présent perpétuel tragiquement angoissant.


 


 


 

L’efficacité du récit, nonobstant sa radicalité, vient du fait que l’auteur parvient à faire ressentir l’évolution intérieure de son protagoniste par le biais de l’accroissement des risques qu’il prend à mesure que l’intrigue progresse. Des risques qui font écho aux sentiments et désirs vifs que le garçon ressent et qui, parce que normaux chez un autre adolescent du même âge, mais provocant des catastrophes chez une personne telle que lui, soulignent les défis et l’injustice inhérents à sa condition. La difficulté est en l’occurrence amplifiée par les réactions des proches de Simón, de plus en plus intolérants envers lui à mesure que le temps passe, ce qui accentue la dramatisation générale.


 


 


 

Mais cette dramatisation, qui aurait pu donner un ton mélo néfaste à l’œuvre, demeure subtile, grâce aux acteurs talentueux (dont la plupart, à l’exception de l’interprète principal, sont de véritables handicapés) auxquels recourt le réalisateur. Ils parviennent à transmettre des émotions contradictoires face à des situations ambiguës, parfois dérangeantes, parfois drôles. Cette approche, qui fait appel à une psychologie complexe pour dépeindre des personnages pulsionnels, capables de mentir ou de tricher, quitte à se rajouter des handicaps pour obtenir ce qu’ils désirent, en accentue l’humanité, et partant, facilite l’identification du spectateur.


 


 

Cette complexité conduit à une ambiguïté des personnages, particulièrement cellei de Simón, ce qui place souvent le spectateur dans une incertitude perturbante. Ce malaise est étayé par une série de choix esthétiques, à savoir des cadrages serrés qui enferment les personnages et permettent d’en étudier les visages, une caméra nerveuse qui traduit la fébrilité ou l’excitation de Simón et prend le relais de la parole, une colorimétrie sombre et ocre qui donne à l’image un aspect sale. Pas de musique, mais une bande sonore modulée en fonction du sonotone employé par Simón et qui tantôt accentue certains dialogues, tantôt renforce certains sons microscopiques et traduit le stress contextuel de l’adolescent. L’ensemble, combiné à un montage efficace, montre la nature angoissante, hostile, que représente l’espace dans lequel doit vivre Simón, mais d’où il peut aussi parfois émerger des instants de douceurs.


 


 

Grand prix de la Semaine de la critique au dernier Festival de Cannes, Simón de la montaña présente l’intérêt d’être une description crue d’un état mental, de relations entre adolescents handicapés, et entre ceux-ci et les adultes, sans idéalisation ni militantisme. Le film amène à penser plutôt qu’il ne cherche à dénoncer ou faire la morale. Il en résulte une œuvre intelligente, qui laisse la liberté de se faire son opinion sur un sujet qui, par sa récurrence dans l’actualité et le prêt-à-penser, tend à être galvaudé ou pétri de bons sentiments.

Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma en ligne directe


Simón de la montaña. Réal : Federico Luis ; sc : F.L., Tomas Murphy & Agustin Toscano ; ph : Marcos Hastrup ; mont : Tomas Murphy & Andres Mledina ; déc : Nicolás Tavella ; cost : Paula Ruiz Abalo. Int : Lorenzo Ferro, Kiara Supini, Pehuen Pedre, Laura Nevole, Agustín Toscano, Camila Hirane (Argentine-Chili-Uruguay, 2024, 98 mn).



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